À propos de cette édition

Éditeur
Solaris
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Solaris 86
Pagination
6-8
Lieu
Hull
Année de parution
1989
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Une femme revient sur les lieux de son enfance, au cœur de cette délicieuse campagne qu’elle a connue il y a quinze ans, et pénètre dans la maison abandonnée où se blottissent tant de souvenirs. Mais cette femme est-elle "une" ou double ? Son corps ne serait-il pas habité par deux person­nes, fruit étrange d’une métamorphose alchimique ?

Commentaires

Ces questions demeurent.

« La Maison » de Denyse Delcourt est l’exemple parfait de ces textes déroutants livrés comme autant de points d’interrogation. Geisha Blues de Michel Martin entrait aussi dans cette catégorie. Dans les deux cas, comme par hasard, on croit que les protagonistes sont des personnages symbiotiques. Par contre, si le texte de Martin ne permettait pas beaucoup d’autres interprétations, celui de Denyse Delcourt est encore moins clair.

Du début à la fin de la lecture, on cherche la clef qui nous ouvrira la porte de la compréhension. Cette porte restera close, et le texte, passable­ment hermétique. Finalement, on décide de ne plus chercher à comprendre, pour ne conserver que le plaisir d’avoir lu une nouvelle, indécodable cer­tes, mais d’excellente qualité.

Ses thèmes les plus évidents sont ceux de la littérature fantastique tradi­tionnelle : maison hantée, loup-garou, alchimie… Le mot « fantômes » n’apparaît-il pas déjà à la troisième ligne ? Le "flou" permanent, le perpétuel sentiment de déphasage par rapport à la réalité, la confusion entre les souvenirs et les phantasmes, tout cela concourt aussi à créer l’hésitation si nécessaire au fantastique selon Sieur Todorov, en même temps qu’à maintenir le lecteur en déséquilibre du premier au dernier mot.

On peut toujours poser des hypothèses, puisque certaines phrases ressemblent à des indices. « Elle est le corps de François et j’habite en lui. » (François serait alchimiste et peut-être aussi loup-garou.) La narratrice utilise tantôt « je », tantôt « elle » pour désigner la protagoniste – il y a même des « nous » à la fin –, ce qui donne à penser que le personnage principal se composerait de plusieurs entités. Il est aussi question d’une « métamorphose » au moment où alchimie et lycanthropie surgissent dans le texte. L’héroïne serait donc, peut-être, la symbiose de plusieurs personnes (deux, au moins : Elle et François).

L’incertitude – sans doute voulue par l’auteure – est en grande partie liée au fait que l’on ignore si l’on doit interpréter les mots dans leur sens propre ou dans leur sens figuré. La protagoniste est aux prises avec les mêmes questions, apparemment : « Nous sommes quand ? » se demande-t-elle parfois. Mémoire et imaginaire s’entremêlent dans cette maison déserte et pourtant si habitée.

Du texte de Denyse Delcourt, je retiens l’originalité du traitement, la cohérence (apparente, quoique indéchiffrable), la beauté de certaines ima­ges, et surtout la sensualité – une sensualité frisant l’érotisme du meilleur goût. [DC]

  • Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 71-72.