À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
Les imaginoïdes
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Paru dans
Espaces imaginaires 4
Pagination
105-168
Lieu
Trois-Rivières
Année de parution
1986
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Petra, célèbre agent artistique, aujourd’hui enfermée dans une cellule, se souvient : sa rencontre avec Judith, cette âme sœur mystérieuse. Puis la rencontre avec Todd, qui transforme sa vie. Todd est un artiste dont les œuvres s’inscrivent dans une évolution libératrice qui secoue la société conservatrice de l’Embargo. Phase intimiste, cycle du Désembargo, autosculpture : l’art de Todd est dangeureux. Son travail sur les interfaces humain/machine, puis corps/esprit par l’intermédiaire de l’ordinateur entraînera des conséquences sociales et politiques graves. D’une part, le jeune artiste devient un symbole de liberté pour la société post-Désembargo. D’autre part, le gouvernement est intéressé, pour mieux manipuler les citoyens, à la rétroaction humain/ordinateur, qui donne accès aux univers parallèles. La situation devient critique : Todd, refusant d’aider le gouvernement, organise avec Petra et Judith un spectacle au cours duquel il sera tué. Si le gouvernement est renversé, Petra se retrouve seule. Personne ne veut la croire : Judith et Todd provenaient d’univers parallèles, leur union à trois étant le fruit de la rencontre nécessaire de moitiés de pomme ou d’âmes sœurs.

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Commentaires

Il est difficile de résumer cette novella dont la grande richesse éclate dans diverses avenues et où le propos s’allie à une écriture juste et belle. On entre dans cette longue nouvelle comme dans une maison aux multiples appartements, finement décorés. Sabine Verreault, jeune auteure ? Sa maîtrise de l’écriture et de la narration, la maturité de sa réflexion dénotent le contraire…

Le texte joue sur plusieurs niveaux, à la fois autonomes et complémentaires dans leur convergence vers une réflexion sur l’art. Celui-ci possède des liens avec l’amour, la société, la politique. L’art transforme le monde, cristallise le discours social. L’auteure décrit avec finesse l’évolution artistique de Todd en relation avec le contexte socio-politique. L’art est un agent libérateur, autant des pulsions profondes de l’homme que de l’oppression politique.

L’amour s’inscrit aussi dans l’art. C’est par amour que Todd, touriste venu d’un univers parallèle, va développer son art. Un étrange triangle se glisse entre les trois personnages, que Petra tente en vain de comprendre. Une chose est sûre : c’est qu’il existe, ici ou dans un autre univers, des êtres qui nous sont complémentaires, des moitiés de pomme. Ici aussi, la réflexion de Petra enrichit un récit polydimensionnel.

À la réflexion sur l’amour, l’art et la société s’ajoute une dimension symbolique qui nous est donnée autant par les pensées de Petra que par le titre. Todd veut dire mort en allemand. Et la mort rôde effectivement dans le texte : mort d’une vieille société, étrange mort de l’amour qui perdure dans un reflet holographique, mort clinique de Todd qui néanmoins demeure vivant électroniquement. Les thèmes mêmes des spectacles de l’artiste impliquent cette idée : L’assassin, Le suicidé jouent sur les mutilations. La mort, c’est enfin une division…

Lors de la dernière orgie de Balthazar, au moment où Cyrus pénètre dans Babylone, une main invisible inscrivit cette menace prophétique sur un mur : Mané, Thécel, Pharès, ton royaume sera compté, pesé, divisé. Tout apparaît comme divisé, pesé dans l’univers de Petra qui tente de comprendre, d’unifier sa vie. Le monde est politiquement divisé, de même que l’amour entre les personnages. L’art même de Todd joue sur les divisions du corps. Les principes de division et d’unification s’avèrent les deux facettes de la quête de la vérité.

La vérité : tout est également vrai et faux pour Petra qui compte, pèse, divise chacune des variations du récit de ses souvenirs, qui revit à chaque fois une nouvelle mort. La structure narrative et l’écriture sont entièrement tournées vers cette remémoration tant de fois répétée. En effet, la structure demeure souple pour permettre des allées et venues dans une intrigue linéaire, construite en fonction de la découverte progressive de la vérité. L’écriture suit un dialogue je/vous, faisant ainsi participer le lecteur à la réflexion du personnage. Petra analyse aussi l’Autre, Todd : les personnages campés par Verreault possèdent eux aussi leur complexité…

Que conclure de ce texte intelligemment construit, pensé, écrit ? Qu’Élisabeth Vonarburg, même sous le pseudonyme de Sabine Verreault, continue à nous inviter dans ses maisons aux multiples appartements. [SB]

  • Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 144-145.