À propos de cette édition

Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
imagine… 35
Pagination
23-33
Lieu
Montréal
Année de parution
1986
Support
Papier

Résumé/Sommaire

La narratrice se souvient d’une expérience amoureuse qu’elle avait vécue avec un Sagrien. La Terre ayant été conquise par les habitants de Sagra, elle avait suivi un de ceux-ci sur sa planète natale. Dès l’arrivée, un malaise indéfinissable s’était installé dans leur relation. Peu à peu, elle avait découvert que son amant était un collectionneur qui s’était construit un univers terrien, marginal par rapport au reste de la planète. Elle s’était enfuie et était revenue sur Terre après avoir réalisé qu’elle ne représentait pour le Sagrien qu’une belle pièce de collection.

Commentaires

« Mariage mixte » est le récit d’une prise de conscience, puis d’une libération. Mercédès Nowak fait un tour d’horizon subtil des idéologèmes racistes ; elle les aborde de manière indirecte dans son récit et travaille en forme de spirale. En effet, l’héroïne entreprend un travail de déconstruction et d’interprétation de l’univers fantasmatique marqué par l’idéologie de son amant. Elle énonce un événement, puis elle l’interprète. Nowak amène ainsi le lecteur à une prise de conscience similaire à celle de la narratrice.

L’auteure fait aussi une analyse marquée du mariage mixte : la marginalité du Sagrien imputable à sa perversion rend la description du choc résultant de la relation interactive des amants et les présupposés idéologiques plus aisément identifiables. Cette facilité pourrait amoindrir quelque peu les nuances pyschologiques. Mais l’auteure a prévenu ces culs-de-sac discursifs : elle rend son héroïne sensible à la beauté de Sagra : « À mesure que j'apprenais à te détester, j'ai appris à aimer ta planète » (p. 32).

L’analyse des stéréotypes comportementaux du racisme se double d’une ouverture sur les attitudes de colonisé/colonisateur. Si les deux vont de pair, il se glisse une petite nuance : l’héroïne colonisée se montre supérieure à son conquérant que l’on découvre finalement colonisé par la civilisation. Et le texte est étrangement silencieux sur la perversion de la narratrice qui l’a entraînée vers le Sagrien. Qui, des deux, est le plus colonisateur ? Le texte ne marque donc pas de véritable altérité par rapport à notre environnement idéologique. L’analyse que fait l’auteure de l’interaction raciale démontre l’incongruité de l’amour entre ces deux êtres, qui apparaît comme un axiome narratif voulu par l’auteure, plutôt qu’une dégénérescence de sentiments au départ viables.

Ce parti-pris ébranle un peu la crédibilité du récit ; le lecteur reste à distance du texte. L’ébranlement est accentué d’un autre côté par ce beau risque qu’est un récit à la deuxième personne. En effet, un texte de ce genre suppose que la personne interpellée connaît la situation, ce qui le rend quelque peu inutile. Encore une fois, Nowak prévient les coups : « Je me demande comment j'ai le courage de te raconter tout ce que j'ai à dire, alors que tu as toujours tout su d'avance, tout compris avant moi, jusqu'à aujourd'hui (p. 23). Le récit se fait accusation et volonté de montrer l’intelligence de l’animal terrien au Sagrien colonisateur.

Le beau risque s’avère donc réussi, malgré quelques lourdeurs dans l’écriture. Quoi qu’il en soit, « Mariage mixte » démontre le talent de Mercédès Nowak. [SB]

  • Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 105-106.