À propos de cette édition

Éditeur
Solaris
Genre
Science-fiction
Longueur
Novelette
Paru dans
Solaris 98
Pagination
5-12
Lieu
Hull
Année de parution
1991
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Quelque part en Afrique (peut-être), Loubianina est l’épouse enceinte du chasseur Lakassaré dans un village où sont présents de mystérieux êtres bleus pourvus d’une technologie sophistiquée – à ne pas confondre surtout avec les Touaregs du Sahara. Parti à la chasse, Lakassaré est tué et Loubianina en est informée par l’intermédiaire des êtres bleus. Loubianina part alors retrouver le corps en compagnie d’une fillette bleue. En cours de route, les êtres bleus substituent au bébé qu’elle porte un des leurs. Quand Loubianina accouche de l’enfant bleu, elle le tue, ce qui entraîne le départ des êtres bleus. Le retour au village est empreint de tristesse, car elle y apprend la mort en son absence de grand-père Lacho.

Commentaires

Science-fiction ou oniro-fiction ? Toute la nouvelle baigne dans une curieuse atmosphère d’irréalité. L’auteur dépeint une Afrique utopique, coloniale ou postcoloniale à en juger par certains prénoms européens, mais dont est absente toute intrusion du monde moderne. Les décors traditionnels de l’Afrique sub-saharienne sont amoureusement décrits : le village de huttes, la jungle, la savane, la faune… La présence des êtres bleus aux pouvoirs inconnus est acceptée comme allant de soi. Le monde que conçoit Loubianina semble se limiter au village et à ses alentours immédiats. Comme dans un rêve aussi, l’intervention des êtres bleus qui implantent un de leurs fœtus dans le ventre de Loubianina n’est ni expliquée ni explicable. Car Loubianina ne porte l’enfant que quelques jours et on voit mal comment ces quelques jours de différence peuvent être utiles à la survie du bébé bleu. Aucune justification scientifique compatible avec la technologie des êtres bleus n’est crédible. De plus, la décision de Loubianina de quitter le village semble accidentelle ; faut-il croire que les êtres bleus sont opportunistes ou qu’ils ont un fœtus prêt à être transplanté en tout temps ?

S’agit-il d’un texte à prendre au second degré ? « Nous sommes le peuple de la nuit », chante le grand-père Lacho. Or, c’est la nuit que l’on rêve – l’auteur raconte-t-il un voyage rêvé par Loubianina ? Mais la nuit symbolise aussi parfois l’espace interstellaire : le peuple de Loubianina aurait-il pour ancêtres des colons interstellaires ? Quelques indices portent à croire qu’il ne s’agit pas de la Terre que nous connaissons. Plusieurs interprétations allégoriques du refus de Loubianina de prendre soin de l’enfant qu’elle a mis au monde pour les êtres bleus sont aussi possibles, mais ne sont pas très satisfaisantes. Ce sont là des pistes intéressantes, mais sans plus, car elles ne sont pas développées.

L’intérêt de « Maternité noire » doit alors résider du côté des protagonistes. Mais le ton bucolique, presque élégiaque, adopté par l’auteur ne permet pas d’approfondir réellement le personnage de Loubianina. Elle est décrite du dehors. Ses réactions et ses émotions sont disséquées, mais l’écriture ne révèle ni ses motivations ni son intellect. En fait, de façon un peu inquiétante, le texte la réduit à un complexe d’instincts et de sensations primaires. Certes, à la fin de la nouvelle, Loubianina a gagné en maturité, mais l’auteur ayant forcé le trait au tout début, faisant d’elle une jeune femme parlant comme une enfant, le contraire aurait été difficile. Quant aux autres personnages, dont Lacho et la fillette bleue, ce sont des comparses unidimensionnels.

Donc, côté exotisme et écriture, la nouvelle de Richard Tremblay est réussie, mais on ne saurait en dire autant de sa dimension imaginaire ou humaine. [JLT]

  • Source : L'ASFFQ 1991, Le Passeur, p. 168-169.

Prix et mentions

Prix Solaris 1991