À propos de cette édition

Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
imagine… 46
Pagination
53-67
Lieu
Montréal
Année de parution
1989
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Le Président de la Terre, Winston Courbec, fait une visite officielle à l’Institut de recherches comparées en génétique du comportement. Il annonce au Docteur Swang Wöller et à sa fille Maria, fondateurs de l’Agence du bonheur, sa décision d’imposer à leurs travaux un moratoire de dix ans. Selon lui, le bonheur dispensé scientifiquement aux individus menace le fragile équilibre des nations. Courbec croit, en effet, qu’une personne heureuse n’a plus le goût de penser aux malheurs des démunis.

Commentaires

À la fin d’un des meilleurs épisodes de Star Trek, celui au cours duquel les fleurs d’une planète paradisiaque avaient rendu stoned tout l’équipage de L’Entreprise, y compris Spock, ce dernier suggérait que l’humanité aurait toujours besoin de se débattre si elle ne voulait pas régresser. Le bien-être engendre la stagnation, disait Spock en substance, juste avant de déclarer avec nostalgie : Sur cette planète pourtant, pour la première fois de ma vie, je peux dire que j’ai été heureux. Henri Laborit tient à peu près le même propos dans l’introduction de La Nouvelle grille lorsqu’il dédie son livre à tous ceux qui sont sûrs de détenir la vérité […], en espérant qu’ils y découvriront au moins les germes de l’incertitude, sœur de l’angoisse, et mère de la créativité.

La question posée par Claude D’Astous dans son texte n’est pas : L’être humain est-il apte au bonheur ? Mais bien : Le bonheur est-il bon pour l’être humain ? Son personnage du Président mondial donne une réponse négative à cette interrogation. Devant sa suggestion d’opérer sur eux-mêmes leur propre traitement, Swang et Maria Wöller comprendront qu’il a raison et orienteront leurs recherches vers un autre champ d’études.

Dans le cadre du numéro spécial d’imagineSciences et techno­logies, D’Astous nous livre une espèce de conte philosophique où il est fort peu question des thèmes imposés. Bien sûr, les Wöller sont des savants tra­vaillant dans un Institut, mais leur science et leur technologie sont de pacotille et leur "machine à bonheur" ressemble à un fauteuil de barbier doublé d’une chaise électrique. On y lit, en outre, une certaine méfiance vis-à-vis le pouvoir virtuel de la science de manipuler les esprits et de dénaturer les êtres.

L’intention de l’écrivain se manifeste ailleurs cependant. Après avoir subi le traitement qui le rend soudain heureux, le Président Courbec étale une série d’objections contre le bonheur. On a là des réflexions pertinentes qui, bien que condensées et partielles, disent bien que le projet de l’auteur était d’exposer ses pensées et ses interrogations sur ce sujet-là.

Voilà donc un texte à idées, qui ne sollicite pas les émotions du lecteur. Un texte où les personnages ont la minceur du papier sur lequel ils repo­sent, où les décors sont impalpables, et où les actions racontées sont aussi peu crédibles que dans les vieux Fleuve Noir. Sur ces points-là, les deux textes connus de Claude D’Astous – j’inclus L’Étrange monument du désert libyque – se rapprochent de plusieurs œuvres de Jean-Pierre April et du roman de Guy Bouchard, Les Gélules utopiques.

La littérature de fiction, évidemment, a aussi le droit d’être cérébrale. [DC]

  • L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 68-69.