À propos de cette édition

Éditeur
Solaris
Genre
Science-fiction
Sous-genre
Monde étrange
Longueur
Novelette
Paru dans
Solaris 94
Pagination
7-14
Lieu
Hull
Année de parution
1990
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Sur Virginia, une planète susceptible d’être colonisée par la Terre, se produit un phénomène étrange : pendant la moitié de l’année autochtone, c’est-à-dire environ deux années terriennes, une étrange “mer” recouvre la majorité de la planète, puis disparaît sans laisser de trace. Cette étendue possède plusieurs propriétés, dont la plus inquiétante est celle de “dissoudre” toute matière vivante qui entre en contact avec elle… De plus, sa présence inhibe toute énergie électrique dans la zone située à moins de deux mille mètres d’altitude, d’où le retour à des technologies anciennes bien que sophistiquées.

Une équipe terrienne réunissant des savants, un médecin et un chroniqueur doit faire une traversée de la “mer” afin de voir s’il y a lieu, tel que le prétendent les quelques colons en place, d’ouvrir totalement Virginia à la colonisation, ou si la présence intermittente de ce phénomène inquiétant… À bord d’un étrange bateau flottant juste au-dessus de cette “mer”, Loïc Kermeur livre à son journal ses impressions du moment et rend compte de la vie à bord. Si tout se déroule conformément au plan pendant les premiers jours, voici que la “mer” ne réagit pas comme prévu à l’approche du moment de sa disparition : des vents contraires empêchent le bateau d’atteindre les côtes, des interférences empêchent la nacelle de communiquer avec le vaisseau satellisé, des migraines tenaces assaillent les passagers qui sombrent tous dans un étrange coma. Mais qu’est donc cette “mer” ?

Commentaires

Pour ceux qui, comme moi, adorent l’incompréhensible, cette nouvelle est un pur délice. Essentiellement, il s’agit de la description d’un phénomène tout à fait en dehors de l’expérience humaine et qui résiste à toute tentative d’analyse. Dès les premiers instants, on se rappelle avec bonheur le fameux “océan” de Solaris, l’un des livres qui a fait la renommée de Stanislas Lem.

Pour moi qui me suis souvent amusé avec ce genre de concept – mes fans sauront me comprendre ! –, c’est donc avec grand intérêt que j’ai suivi la démarche entreprise par l’auteure. Cette démarche, faut-il le dire, Vonarburg l’a voulue rigoureuse et c’est tant mieux pour le lecteur. Tout au long du texte, en effet, une atmosphère de mystère retenu plane sur les personnages et ce ne sera qu’à la toute fin qu’une explication extraordinaire se dévoilera aux protagonistes… c’est-à-dire à ceux qui restent. Car cette mer, bien qu’elle soit “autre”, ne diffère pas des autres mers de l’entendement humain et demeure une grande dévoreuse d’hommes. L’auteure dose donc agréablement le pas de son intrigue et la levée du mystère. Elle met aussi en place des personnages consistants, aux prises avec leurs problèmes d’humains en plus de ceux qu’ils doivent affronter. La condition humaine, qu’elle soit ici et maintenant ou ailleurs et demain, ne diffère pas vraiment lorsqu’on la considère par le biais de l’intériorité. Que Vonarburg puisse traiter l’un et l’autre aspect de façon égale et tout aussi intéressante est une des belles réussites de ce texte. Trop souvent, malheureusement – et pas seulement chez Vonarburg, faut-il le préciser –, a-t-on vu l’élément SF escamoté ou ne servir que de prétexte à la résolution des problèmes de l’âme.

« La Mer allée » est ce genre d’histoire qui me fait frémir de plaisir. J’ai donc un parti pris au départ. Mais ce parti pris, lorsque le texte est non maîtrisé, l’intrigue mal structurée ou l’élément SF dénaturé, tend à se retourner contre son créateur. Ici, pas la moindre aspérité à laquelle s’accrocher afin de lancer une remarque négative, pour pointer du doigt un manque quelconque. Dans ces moments, le critique qui cherche la petite bête n’a plus qu’une chose à dire : ce texte est beaucoup trop court, on aurait voulu en savoir plus sur le reste de cet univers, cette lecture nous laisse sur notre appétit, etc. Comme je ne suis pas du genre critique hargneux, je dirai simplement que « La Mer allée » est, selon moi, la meilleure nouvelle de science-fiction québécoise publiée en 1990. [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 196-197.