À propos de cette édition

Éditeur
Solaris
Genre
Science-fiction
Longueur
Novelette
Paru dans
Solaris 118
Pagination
4-13
Lieu
Gallix
Année de parution
1996
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Mickey personnifie la célèbre souris créée par Walt Disney dans des fêtes réservées aux riches, en compagnie de Minnie, afin de recruter des clients qui achèteront ses talents de Créateur. Mais Mickey doute de lui tandis que Minnie minaude et joue les rabatteuses. Il craint aussi « la plaie démone » qui provoque des hallucinations chez les Créateurs et leur fait perdre la raison. Le phénomène pourrait être causé par le retour des Homo Virtualis.

Contacté par un représentant du Concile, Mickey accepte le mandat de créer le personnage d’Alexis Vincent Charles Berbiguier, dit Berbiguier de Terre-Neuve du Thym, un chasseur de farfadets, à partir de l’unique document du XIXe siècle qu’il a laissé. Après avoir conçu l’avatar, Mickey sent le contrôle de son esprit lui échapper…

Commentaires

Le hasard a voulu que je lise cette nouvelle d’Harold Côté au lendemain de ma lecture de « {/thea} ou le Jour venu » d’Alain Bergeron. Quelle étrange coïncidence ! Les deux nouvelles réduisent l’être humain à la dimension d’un pixel dans un écran d’ordinateur, d’une molécule qui répond à un stimulus induit par… par qui, au fait ?

Revenons au résumé. Mickey est manipulé par les Homo Virtualis, ces êtres humains morts qui ont déposé leur mémoire dans des programmes d’ordinateur et qui attendent les failles des réseaux pour revenir en force et prendre le contrôle des esprits des personnes totalement dépendantes de la technologie dans le monde factice où elles évoluent. Le Créateur Mickey voit sa Création (Berbi) se substituer à lui et l’éliminer.

En utilisant des figures aussi débonnaires et inoffensives que Mickey et Minnie, créatures de l’oncle Disney, Harold Côté dissimule habilement le caractère insidieux de l’univers frelaté qu’il a imaginé et qui révèle sa véritable nature dystopique à la fin. La reconstitution d’une Venise artificielle – appelée ici Vene-Tsiang –, qui reproduit le meilleur des différentes époques de la ville où séjourne Mickey, représente l’illustration de ce monde d’illusions. La réalité n’est qu’un simulacre. Qui contrôle qui ? Nous vivons dans un monde faux et l’intelligence humaine a été dépassée par l’intelligence artificielle. Alors qu’il croit maîtriser son environnement et son existence par la technologie, l’être humain est devenu un animal de laboratoire à la merci de l’intelligence artificielle.

Cette nouvelle dickienne, qui dénonce un mode futuriste basé sur la facticité et les apparences, suscite une réflexion qui remet en cause la Création. Celle-ci, semble dire Harold Côté, n’est, somme toute, qu’une autre entreprise de falsification de la réalité, de dénaturation du réel. Tout repose sur les apparences et le chic de cette société décadente, en pleine déliquescence, consiste à projeter l’image d’une personnalité autre que la sienne, une icône qui ne reflète aucunement son moi intérieur. L’authenticité est devenue une valeur désuète. La Création n’est-elle qu’une fuite en avant, un refus de la réalité ?

La nouvelle de Côté contient beaucoup d’invention, d’idées fortes et d’images saisissantes. Bien qu’elle soit par moments un peu ésotérique, on en sort grandement déstabilisé, aux prises avec une persistante impression de vertige. L’arrière-plan du décor conçu par l’auteur est si riche qu’une seconde lecture est susceptible d’en révéler d’autres aspects moins évidents. Le prix Solaris 1996 décerné à la nouvelle était pleinement mérité. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 66-67.

Prix et mentions

Prix Solaris 1996