Mistagance

Le 20 juillet, P. est retrouvé mort sur le bord du lac où sa famille loue un chalet. D., son meilleur ami, est plus qu’intrigué : aucun indice sur la cause de la mort n’est visible. Il entreprend donc d’investiguer, et trouve des poèmes dans une vieille caisse. Ceux-ci, méticuleusement datés, s’arrêtent trois semaines avant la mort. D. se rend au chalet, et y trouve un carnet déchiré, rempli de notes écrites par P. Celui-ci est devenu fou : il entend des bruissements inexpliqués tous les soirs à la même heure, se dirigeant vers le lac.

La lente progression de l’intrigue de cette nouvelle fait toute sa force : lentement mais sûrement, nous sommes entraînés vers la résolution de l’énigme de cette mort suspecte. Au début, nous croyons même lire une nouvelle policière, puisque D. récolte méticuleusement le peu d’indices auxquels il a accès. Puis, à la lecture du cahier de notes, qui nous est donné dans son entièreté par le narrateur, nous découvrons la teneur fantastique du récit.
Le personnage de P., passant par une multiplicité d’états d’âme, nous fait sentir toute la gamme de ses émotions : effroi, inquiétude, acceptation, panique, déni, etc. Il nous jure pourtant qu’il est sincère et que ce qu’il perçoit est la vérité. Malgré cela, il devient de plus en plus difficile de croire à ses divagations. Si, au départ, l’étrange bruissement d’insectes semble dérangeant, son sentiment que le lac attire à lui toute forme de vie, et pas seulement de l’eau, devient abracadabrant. Pourtant, dans ce cas, comment expliquer qu’une fois étendu sur le sable, les pieds à peine trempés dans l’eau, la vie quitte ainsi son corps ? Et surtout, comment s’imaginer que, persuadé de la réalité du phénomène, il ait volontairement choisi de s’abandonner à cette succion d’énergie vitale ? Tant de questions qui restent irrésolues… [KB]

• Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 329-330.