À propos de cette édition

Éditeur
Le Sabord
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Le Sabord 25
Pagination
11-12
Lieu
Trois-Rivières
Année de parution
1990

Résumé/Sommaire

Il voit Rachel en cachette grâce à la bienveillante complicité de la concierge, madame Rouleau, malgré les lois qui interdisent les contacts entre hommes et femmes. Il s’inquiète depuis quelque temps parce que Rachel est enceinte et que leur liaison secrète sera mise à jour.

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Commentaires

« Le Monde aurait un nom » s’inscrit dans le cycle des nouvelles qui comprend « L’Autre » et « Bellamy, par exemple ». Bertrand Bergeron y décrit par petites touches un monde qui a dressé un véritable mur entre les hommes et les femmes. Tout échange entre les deux sexes est interdit. Les rendez-vous amoureux entre le narrateur et Rachel rappellent la liaison subversive de Winston Smith et Julia dans 1984. Cependant, Bergeron choisit de ne montrer qu’un moment privilégié de cette relation amoureuse, comme s’il avait voulu dérober à l’inévitable grisaille de cette société totalitaire un moment de bonheur et de tendresse.

Il ne se passe rien dans cette nouvelle, aucun drame qui soulèverait notre indignation, mais elle arrive tout de même à nous toucher, à retenir notre attention. Pourquoi ? Parce que c’est du pur Bertrand Bergeron, pourrait-on répondre tout simplement. S’il faut rationaliser, ajoutons que l’écriture est superbe et que l’auteur réussit à nous faire sentir la fragilité du bonheur du couple.

Il y a aussi chez cet écrivain une intuition très sûre qui le guide dans le choix de la forme narrative. Ici, il a opté pour un récit à deux voies. L’évolution de cette relation amoureuse interdite est vue alternativement par les yeux de l’homme et de la femme. C’était la seule façon, à mon avis, de transmettre la complicité du couple et de donner tout son poids à la notion de couple.

Dans « Le Monde aurait un nom », Bertrand Bergeron aborde de façon allusive un thème qui revient périodiquement dans son œuvre : la maternité. Strictement contrôlée par l’État, la maternité remplit uniquement une fonction de reproduction de l’espèce. La grossesse de Rachel constitue une seconde transgression des interdits puisque la jeune femme revendique ainsi la liberté de disposer de son corps. Réappropriation qui n’est cependant pas dirigée contre l’homme. Qu’elles soient féministes ou masculinistes, les idéologies sont condamnables pour l’auteur.

Je ne connais pas beaucoup de nouvellistes capables de suggérer autant de choses dans un si court texte. C’est chaque fois une surprise et un enchantement. « Le Monde aurait un nom » est un moment de grâce arraché au quotidien qui se termine sur une note d’espoir tempéré : « Le monde va quelque part. » Merci, M. Bergeron ! [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 17-18.