À propos de cette édition

Éditeur
Samizdat
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Samizdat 11/12
Pagination
37-43
Lieu
Saint-Lambert
Année de parution
1988
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Dans le Paris du XXIe siècle, l’Arabe Joseph Kalameddin, « travailleur du muscle […] non-nationalisé », s’esquinte à transporter des bagages à l’aéroport de Roissy tout en essuyant les remarques racistes des Français blancs. Rêvant du Canada où, selon lui, « cela ne se passe pas ainsi », il monte clandestinement à bord du zeppelin Brian Mulroney à destination de Montréal. Une fois en Amérique, il comprend vite que les immigrés illégaux ne sont pas les bienvenus au pays de l’érable. Joseph est renvoyé en France.

Commentaires

Ce récit court mais de qualité constitue la version révisée du texte gagnant au concours de nouvelles sur place de Boréal 87.

Le décor de ce XXIe siècle déglingué n’offre aucune surprise aux habitués de SF. En outre, s’y retrouvent toutes les catastrophes appréhen­dées par nos bulletins de nouvelles : pollution de l’air, irradiation, pluies acides, pénuries énergétiques, etc. Le mauvais sort fait aux Arabes dans le Paris de demain ne nous surprend pas non plus. Même si le récit se déroule dans le futur, Jean-Louis Trudel a résolument inscrit son texte dans une science-fiction du Ici et Maintenant.

Ce qui donne son intérêt à cette nouvelle, en plus du talent que l’auteur y manifeste, bien sûr, c’est la démonstration selon laquelle l’Histoire est condamnée à se répéter. D’après le narrateur, les Juifs traqués durant la Deuxième Guerre mondiale rêvaient d’un Canada mythique où ils pourraient vivre libres. Demain, ce sont les Arabes qui adopteront ce phantasme. Quant au Canada lui-même, dont le front est ceint de fleurons glorieux, nous le savons (tagada-tsoin-tsoin), il semble que sa réputation de virginité et de générosité, même si amplement surfaite, résistera à l’épreuve du temps ! Et comme on est toujours le mythe de quelqu’un, un préposé de l’aéroport demandera à Joseph, juste avant de le renvoyer chez lui, s’il est « vrai qu’en France, tout le monde travaille » (p. 43).

« Monde retapé : à vendre » est un texte “engagé”, comme on disait dans les années 70. À cause de cela justement, il surprend un peu les post-référendaires que nous sommes. La référence la plus frappante à notre actualité concerne les boat people et autres immigrés illégaux. En clair, Jean-Louis Trudel a procédé à une transposition de ce problème actuel dans une conjoncture futuriste. Plus ça change, plus c’est pareil sur la terre de nos aïeux.

Le Pen, serait-ce aussi le Canada ? [DC]

  • Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 173-174.