À propos de cette édition

Éditeur
Paulines
Titre et numéro de la collection
Jeunesse-pop - 84
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
123
Lieu
Montréal
Année de parution
1993
ISBN
9782890395886
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Une sonde lancée en direction d’Alpha du Centaure par les astronomes d’Australia détecte un corps étranger à la limite du Système solaire. Astéroïde ou engin extraterrestre ? Afin de déterminer la nature de l’objet, le Conseil d’Australia organise une mission de reconnaissance formée de quatre astronautes. Pol, le chef de l’équipage, est l’ingénieur qui a conçu le prototype du vaisseau le plus rapide de la flotte australiane, le Magellan, dont c’est le vol inaugural. Il est accompagné d’une astrophysicienne, Valérie, chargée d’étudier l’objet mystérieux advenant qu’il soit naturel, d’une exobiologiste, Lany, et d’une linguiste, Yana, dont les compétences seraient sollicitées s’il s’agissait d’un vaisseau habité par des extraterrestres. Cette hypothèse s’avère finalement fondée.

L’équipage australian tente d’entrer en communication avec l’astronef étranger, mais n’obtient aucune réponse. Comme le vaisseau est à la dérive et a subi une avarie, les astronautes du Magellan décident d’arrimer leur astronef à celui des extraterrestres afin de s’y introduire et d’investiguer les lieux. Ils découvrent une seule créature vivante à bord, qui semble encore en période de croissance, et la nomment Unique.

Appartenant à une race dépourvue de cordes vocales, Unique communique seulement par des gestes. Grâce au langage des sourds-muets que maîtrise Lany et au décryptage, par Yana, des idéogrammes utilisés pour la transcription du journal de bord, les Australians arrivent tant bien que mal à reconstruire le fil des événements expliquant la présence du vaisseau dans le Système solaire. Les compagnons d’Unique avaient fui leur planète attaquée par les habitants de la planète voisine, emportant dans l’ordinateur de leur vaisseau la somme des connaissances de leur peuple et du matériel génétique pour se reproduire. Or un vaisseau ennemi est sur leurs traces.

Pour sauver le vaisseau d’Unique, l’équipage du Magellan fait appel à la collaboration du Conseil d’Australia et à celui des Peuplements spatiaux, qui représente les colonies sous l’influence d’Australia. Or les relations entre les deux instances sont tendues depuis que les colonies réclament leur indépendance. Accepteront-elles d’unir leurs efforts pour écarter la menace que représente le vaisseau des poursuivants ?

Commentaires

Les Mots du silence repose sur une intrigue simple et linéaire, qui comporte peu de rebondissements ou de revirements. Johanne Massé s’attarde surtout à décrire le quotidien des quatre astronautes à bord du vaisseau spatial. Il n’y a pas de récit secondaire, si ce n’est cette tension qui monte entre la planète Australia et ses colonies par suite des revendications autonomistes de ces dernières.

Les personnages constituent un des atouts du roman. Ils sont crédibles et possèdent un passé qui leur donne une épaisseur psychologique intéressante, particulièrement les trois femmes. Deux d’entre elles, Valérie et Yana, étaient d’ailleurs présentes dans les romans précédents de Johanne Massé sans que Les Mots du silence soit pour autant une suite de Le Passé en péril ou de Contre le temps. Leur réutilisation dispense ainsi l’auteure de leur consacrer de longs développements qui expliqueraient leurs comportements devant certaines situations ou décisions à prendre.

Elle se concentre plutôt sur le personnage de Lany pour laquelle elle semble éprouver une réelle empathie. Lany a dû s’adapter à sa nouvelle condition à la suite de l’accident qui a coûté la vie à son père et qui l’a laissée handicapée. Forcée de réorienter sa carrière et devant surmonter le sentiment d’être rejetée, elle conserve des séquelles psychologiques de cette période de sa vie, ce qui sollicite notre sympathie. S’exprimant difficilement avec un appareil qui reproduit mécaniquement le son de sa voix, elle préfère utiliser le langage des signes. Dans ces occasions, l’auteure a recours à l’italique pour transcrire ses paroles, une façon intelligente et astucieuse de nous rappeler sa différence. De fait, Lany est le personnage pivot du roman, celui qui en synthétise l’esprit.

Le grand thème des Mots du silence est la communication, l’importance du dialogue. L’handicap de Lany trouve un écho chez l’extraterrestre intercepté par l’équipage du Magellan. Unique n’est pas une créature humanoïde. Il s’exprime uniquement par des gestes puisqu’il ne possède ni cordes vocales ni appareil auditif. De plus, le savoir de son peuple est codifié dans un langage écrit utilisant des idéogrammes.

De son côté, Yana est portée à se replier sur elle-même et à garder pour elle ses états d’âme face à sa sœur Valérie depuis sa dernière mission comme temponaute, alors qu’en parler l’aiderait à regagner sa confiance et à se délester de son sentiment de culpabilité.

Le refus du dialogue est aussi au cœur de l’histoire tragique du peuple d’Unique. Les habitants de la planète voisine ont interprété ce refus comme du mépris, ce qui les a conduits à attaquer la planète d’Unique. Enfin, la rupture des négociations entre Australia et ses colonies fait monter la tension de plusieurs crans et menace de dégénérer en conflit armé.

Bref, la communication est constamment au centre des enjeux du roman, Johanne Massé plaidant en faveur du dialogue pour éviter les affrontements et favoriser un climat harmonieux. Il n’y a rien de spectaculaire dans sa manière de raconter, mais la romancière fait preuve d’un véritable souci de réalisme. Il y a bien ici et là des informations répétitives (« Europe, un des satellites de Jupiter » est repris exactement dans les mêmes termes dix pages plus loin) mais cela n’affecte pas outre mesure la qualité générale du roman.

Johanne Massé démontre une connaissance qui me paraît solide en matière des lois de la physique, des planètes et de leurs satellites et fait preuve d’une compétence certaine dans la façon de mener son récit. Les Mots du silence est son quatrième roman. C’est aussi son dernier. Ce travail solide nous fait regretter qu’elle n’ait rien publié depuis 1993, alors qu’elle était à l’aube de la trentaine et en pleine progression comme écrivaine. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 130-132.

Références

  • Anonyme, Littérature québécoise pour la jeunesse 1993, p. 30.
  • Desroches, Gisèle, Le Devoir, 22/23-05-1993, p. D4.
  • Martel, Julie, Samizdat 24, p. 34.
  • Martel, Julie, Solaris 105, p. 45-46.
  • Martin, Pierre, Temps Tôt 26, p. 36.
  • Meynard, Yves, Lurelu, vol. 16, n˚ 2, p. 17-18.