À propos de cette édition

Éditeur
Stop
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Stop 146
Pagination
n. p. [8 pages]
Lieu
Montréal
Année de parution
1996
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Kenny Flex est un chanteur populaire dont l’impact auprès de la jeunesse se fait ressentir partout sur le globe, au point où, par le passé, l’interdiction de diffusion d’une de ses chansons provoqua des émeutes mondiales. Un groupe de jeunes particulièrement fanatiques du chanteur, qui attend son prochain concert, écoute son dernier tube en boucle, tentant de bien saisir le message véhiculé par celui-ci. Au fil du jeu d’interprétation, ils en viennent à y lire un désir de mort, causé par une souffrance atroce ; ils désignent donc l’un d’eux pour l’exécuter, meurtre qui aura lieu durant le concert. Or, durant sa dernière conférence de presse, qui se tenait au même moment où les jeunes en arrivaient à cette conclusion funeste, le chanteur révélait au monde qu’il jetait des mots « en vrac sur le papier, sans même se demander s’ils voulaient dire quelque chose ».

Commentaires

Cette courte nouvelle d’anticipation est en fait une réflexion sur l’absurdité du sens et le décalage pouvant exister entre la compréhension du lecteur et le message véhiculé/souhaité/imaginé par l’auteur au moment de l’acte créateur. Il faut conséquemment voir dans ce décalage du sens une réaffirmation, par Renaud, de la distanciation existant entre l’auteur et sa création, processus qu’explicitait Roland Barthes dans son article « La mort de l’auteur » (1968).

L’originalité de la nouvelle repose toutefois sur le renversement effectué dans la détermination du sens : le chanteur écrit des chansons qu’il conçoit comme étant vides de sens, et le sens est alors construit de toutes pièces à travers l’interprétation qu’en fait son audimat le plus dévoué. Pour ce faire, Renaud utilise une langue fort simple, sans fioritures, qui sied parfaitement à l’ensemble en ce qu’elle devient une sorte de mimesis du processus interprétatif lui-même, accentué en cela par la chute qui, si elle apparaît quelque peu prévisible, a néanmoins le mérite de conférer à la nouvelle un ton ironique et grinçant qui, il faut le mentionner, s’imposait de lui-même.

Voilà pour les fleurs, maintenant le pot : son lien avec le corpus spécifiquement science-fictif est malheureusement assez ténu, tenant pour l’essentiel à quelques éléments du quotidien, comme la nourriture synthétique. En réalité, il n’y a là aucune technologie qui ne nous soit inconnue, ni intégration d’un élément proprement fantastique. J’ai certes mentionné qu’il s’agit d’une nouvelle d’anticipation, mais cette appartenance au sous-genre demeure si étriquée qu’on est en droit de se demander si cette nouvelle fait réellement partie du corpus qui nous intéresse ici, ou si elle n’est finalement qu’un autre exercice de style, une autre fiction voulant d’abord plaire aux critiques sérieux de la (soi-disant) Grande Littérature. [MRG]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 168-169.