À propos de cette édition

Éditeur
Solaris
Genre
Science-fiction
Longueur
Novelette
Paru dans
Solaris 115
Pagination
17-25
Lieu
Gallix
Année de parution
1995
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Un jeune garçon trouve un bracelet ou collier en forme de serpent sur la plage. Il vend le bijou de fabrication najar à un marchand itinérant qui le cède, à Exarée, à un prêtre dont la fille est atteinte d’une maladie incurable. Arcadius voit dans ce bijou un signe du ciel qui guérira sa fille. Néhémie prend effectivement du mieux au contact de l’objet mais son père meurt. Elle est chassée de la ville car on la craint et elle rejoint, avec le garçon à l’origine de la découverte, l’épave d’un navire qui rappelle la rupture des relations entre les humains et les najars.

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Commentaires

Quel plaisir de lire cette nouvelle écrite en collaboration par Francine Pelletier et Yves Meynard ! Il est difficile de départager la part que chacun a mise dans cette nouvelle tant l’univers des deux auteurs se marie parfaitement bien. On peut néanmoins associer à Francine Pelletier le personnage de la vieille femme, image récurrente dans son œuvre, tandis que la dimension spirituelle des personnages et la présence des nanotechnologies proviennent de l’imaginaire de Meynard.

« Navices » conserve juste assez de mystère pour attiser l’imagination du lecteur. Il y a eu rupture entre deux races, l’une humaine, l’autre non humanoïde (les najars) il y a environ trois siècles. La première asservissait la seconde qui s’est révoltée. Depuis, les navices – nom probablement dérivé de navicert : permis de navigation accordé par un gouvernement à un bâtiment de commerce en temps de guerre –, qui dominaient la mer, ont été forcés de se replier sur la terre. Mais ils sont toujours navices au fond de leur être et entretiennent une nostalgie de la mer. Or plusieurs siècles après les événements qu’ils considèrent comme une malédiction – on pense ici à celle qui pesait sur le peuple asven dans L’Épuisement du soleil d’Esther Rochon –, une réconciliation des deux races est peut-être envisageable.

Le thème fort de la nouvelle est le poids des atavismes (thème meynardien s’il en est !) qui constitue à la fois la force et la faiblesse des navices. La force : ils n’ont pas oublié leur passé glorieux de maîtres de la mer, ils ont préservé pendant tout ce temps leur identité. Leur faiblesse : cet atavisme les empêche de voir les qualités de l’autre et c’est le temps qui leur fera voir leur erreur. Les humains ont beaucoup à apprendre des najars mais ils sont trop orgueilleux. La perche tendue par les najars est une invitation qui leur est faite pour qu’ils ouvrent leur conscience à une autre culture et à un autre savoir.

L’instrument de ce premier contact est l’hypris abandonné sur la grève, une bouteille à la mer envoyée par les najars pour renouer avec les humains. Ajésila, le marchand, et Falconéo, le jeune garçon, servent d’intermédiaires sans pour autant mourir au contact du bijou parce qu’ils ont surmonté leur peur atavique des najars, contrairement au père de Néhémie trop obnubilé par sa religion.

« Navices » est porteur d’une dose d’espoir car on peut entrevoir une collaboration fondée sur une nouvelle base, plus égalitaire, entre les deux races dont la cohabitation s’est terminée tragiquement. Cela contribue en partie à l’originalité de la nouvelle, l’optimisme n’étant pas une valeur courante en SF. La grande majorité des histoires de rencontres interraciales ou de cohabitation décrivent les difficultés et, ultimement, les points de rupture des rapports entre les deux espèces. Ici, sans que le contentieux historique soit explicité, on assiste à une reprise timide des relations.

Cet éloge de l’hybridation et de la coopération est supporté par une écriture séduisante qui intègre avec grâce un bon nombre de néologismes : albelle, montejak, blanconque, hypris, sinarce…

Yves Meynard n’en est pas à sa première nouvelle écrite en collaboration. Son imaginaire jumelé à la sensibilité de Francine Pelletier pour les personnages féminins fait merveille ici. Vraiment une grande nouvelle, une symbiose littéraire exceptionnelle ! [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1995, Alire, p. 133-134.