À propos de cette édition

Éditeur
Denoël
Genre
Fantastique
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
332
Lieu
Paris
Année de parution
1998
ISBN
9782207246931
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Edward est un chat d’expérience qui en est à sa neuvième et dernière vie. Il est le compagnon gâté de Delphine, une jeune photographe talentueuse vivant à Paris. Au cours de ses nombreuses réincarnations, dont il garde le souvenir, Edward a cultivé des talents de médium et, par le simple toucher, il arrive à appréhender les pensées et la personnalité des autres, humains ou non. Il prend la décision d’aider sa maîtresse à trouver l’âme sœur puisque celle-ci a la fâcheuse tendance à s’entourer de beaux hommes, souvent égocentriques ou carrément salauds.

C’est ainsi que Delphine est invitée à photographier Alain-Justin Leguay, riche homme d’affaires qui s’occupe d’œuvres philanthropiques servant toutefois de couverture à son trafic de jeunes filles. Selon sa méthode habituelle, Delphine suit son client et le photographie à son insu. C’est ainsi qu’elle le surprend avec un complice, un bel Américain nommé James Anderson duquel elle s’éprend et dont elle veut faire le portrait pour l’une de ses compositions à thème mythologique. Les deux hommes craignant la diffusion de ces photos se lient avec elle pour lui retirer ses négatifs. Une fois cela fait, ils tentent de se débarrasser d’elle afin qu’elle ne puisse jamais divulguer le lien existant entre eux. Dans ce but, Anderson provoque un accident de voiture.

Quand Delphine se réveille de son coma, elle se rappelle que son amant américain a voulu la tuer. Un journaliste, dont la fillette garde Edward et qui est la réincarnation de celui que le chat recherchait, fait son enquête et se lie avec Delphine. Edward est satisfait et peut mourir heureux d’avoir accompli sa destinée.

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Commentaires

Ce roman est très efficacement construit. La structure, rendue un peu complexe par les différents retours en arrière qui alternent avec le récit premier, ne nuit en rien à la clarté de l’histoire. L’intensité de l’intrigue y est constante et maintenue par les différentes actions passées et présentes. On y retrouve très bien les caractéristiques félines du personnage principal : mystère et sensualité.

Le mystère est de deux ordres : il y a l’intrigue du temps présent qui met en danger la jeune photographe, mais aussi les nombreux retours en arrière dans les huit vies précédentes du héros. Ces vies s’échelonnent sur toute l’histoire humaine, depuis l’Égypte ancienne en passant, entre autres, par la chasse aux sorcières (époque chère à l’auteure), par la découverte de la comète de Halley, sans oublier l’arrivée en Nouvelle-France et le génocide juif pendant la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, le lecteur entre en contact avec divers moments importants de l’Histoire par les yeux d’Edward qui a connu neuf vies très mouvementées. Chat déifié et vénéré dans l’Égypte ancienne, ensuite chat satanisé et honni lors de l’Inquisition, il est le compagnon désiré ou indésirable de grands personnages autant que d’humbles individus. Ses dons de médium acquis lorsqu’il était le compagnon d’une guérisseuse brûlée comme sorcière lui servent à comprendre les gens et il tente de venir en aide à ceux qui en valent la peine. Il a connu l’amour autant que l’indifférence et la haine. Les rappels de ces vies antérieures arrivent parfois abruptement dans le récit premier et créent un rythme perturbé qui contribue à soutenir le suspense qui existe aussi parfois dans ces récits seconds.

La sensualité est très présente dans la relation entre l’animal éponyme et celle qui pense le protéger et qui cherche à le comprendre. Ils ne sont pas unis seulement par les sentiments, mais aussi par les sensations. Ce chat soyeux aime lécher, pétrir, griffer, selon son humeur ou ce qui l’entoure. Sa beauté comble sa maîtresse qui ne cesse de le photographier. Il est fin gastronome et ne se nourrit pas de vulgaire nourriture sèche pour animal (une sorte de « Garfield » en plus profond, quoi !). Il est sensible aux odeurs et aux bruits qui lui rappellent ponctuellement ses vies antérieures. Delphine complète bien ce duo. Elle cherche à combler ses besoins artistiques et sexuels en laissant son instinct, peu éclairé selon Edward, guider ses choix. La beauté extérieure l’emporte sur le reste : elle est victime de son œil photographique. Elle cherche peu à connaître ses amants, une relation superficielle et passagère lui suffit. C’est ainsi qu’elle s’engage dans des relations qui lui sont dommageables ; cependant, elle choisit beaucoup mieux ses amies. Celles-ci partagent avec elle ses goûts élitistes et tentent de la raisonner et de la prévenir à l’occasion. Si elle adore Edward, c’est que c’est aussi un chat d’une couleur rare qui a gagné des concours de beauté féline. En fait, il y a contraste entre la violence, vécue dans certaines vies d’Edward, notamment avec Rachel, une modiste juive obligée de subir les avances de son propriétaire pendant l’occupation nazie de Paris, et la vie contemporaine dorée, en apparence seulement…

Des lecteurs pourraient déplorer comme moi la superficialité de certains personnages et de certains passages. Ainsi, Edward, malgré toute son expérience, ne sait pas encore si les hommes se réincarnent. L’auteure crée des prétextes ridicules et peu crédibles pour que Delphine consulte différents vétérinaires parce que ce chat s’est mis dans la tête de retrouver la réincarnation de Sébastien Morin qui l’avait si bien soigné sur le bateau les menant en Nouvelle-France. De plus, ce roman se termine sur un happy end causé par l’intervention d’un deus ex machina qui n’a d’autres explications que la croyance en la fatalité ou la volonté de l’auteure de satisfaire son « lectorat ». Ce livre est maintenant inscrit au catalogue de Québec-Loisirs qui s’adresse à un large public. Il devrait ainsi permettre aux anciens jeunes lecteurs de continuer à être des fans de Chrystine Brouillet dans ses romans pour adultes. [AL]

  • Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 44-46.

Références

  • Boivin, Aurélien, Québec français 114, p. 21.
  • Campion, Blandine, Le Devoir, 19/20-12-1998, p. D 8.
  • Rioux, Hélène, Lettres québécoises 94, p. 21.
  • Spehner, Norbert, Nuit blanche 76, p. 10.