À propos de cette édition

Éditeur
Québec-Presse
Genre
Science-fiction
Longueur
Feuilleton
Paru dans
Québec-Presse, vol. I, n˚ 10
Pagination
24
Lieu
Montréal
Année de parution
1969

Résumé/Sommaire

Nicole et Roger se retrouvent. Roger offre à la jeune femme des fiançailles pour Noël, et la promesse d’un mariage au printemps. Nicole accepte : elle a trouvé le bonheur sans micro ni caméra.

Commentaires

Lancé en 1969, Québec-Presse était un journal critique et populaire qui fit appel à Claude Jasmin pour signer un feuilleton qui débuta dès le numéro inaugural du 19 octobre. Édité par une association fondée un mois plus tôt par des militants syndicaux et coopératifs, le journal voulait soutenir les syndicats, coopératives, comités de citoyens et groupements contestataires afin de « refléter et stimuler la pensée et l’action populaire et démocratique ». Il cessera de paraître en 1974, ayant tiré à 25 000 exemplaires en moyenne.

Le feuilleton de Jasmin n’a pourtant rien de particulièrement révolutionnaire. Même si l’histoire se veut à la page, en choisissant une société de télévision comme lieu de travail pour Nicole, elle ne se démarque guère des petits romans qui paraissaient en fascicules dix ans plus tôt. L’épisode des féministes cherchant à régner sur le monde en transformant tous les hommes en singes rappelle d’ailleurs une aventure du Sergent Colette UZ-16, où des drogues nouvelles transformaient les femmes en géantes ou en naines. Toutefois, Jasmin fait appel à des références cinématographiques pour légitimer cette excursion dans la science-fiction. Entourée d’anthropoïdes menaçants, Nicole a l’impression de se trouver dans La Planète des singes, tandis que Roger décrit les projets des amazones en concluant : « C’est du James Bond, pas autre chose ! »

L’écriture se distingue surtout par son efficacité, malgré quelques descriptions plus recherchées. Jasmin gère habilement le suspense, en particulier dans les six épisodes centraux qui composent l’aventure de science-fiction. Les rebondissements sont au rendez-vous, quoiqu’ils frôlent le caricatural, même pour cette époque. Toutefois, cette aventure est rapidement évacuée pour faire place à l’intrigue amoureuse qui se termine avec l’offre de mariage de Roger.

Bref, il s’agit ici de science-fiction marginale, soigneusement cantonnée dans les limites d’une aventure qui apparaît presque comme une intrusion onirique dans la vie prosaïque de Nicole. Lointain écho de l’île du docteur Moreau, l’île des féministes folles a pour seule originalité sa condamnation implicite des revendications féministes contemporaines, condamnation renforcée par le bonheur que Nicole trouve dans la promesse de mariage de Roger Bleau.

Le feuilleton comporte aussi une touche de fantastique dans la mesure où la nature des pouvoirs occultes de Lucien n’est jamais éclaircie, tandis que Roger affirme que les amazones pratiquaient aussi le spiritisme. Cet élément est complètement passé sous silence par la suite. Bref, nous avons affaire ici à une science-fiction conservatrice telle que la pratique Michael Crichton, une science-fiction où toute nouveauté susceptible de déstabiliser notre monde est renvoyée aux oubliettes pour de bon avant le dénouement de l’histoire. [JLT]

  • Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 108-111.