À propos de cette édition

Éditeur
Leméac
Titre et numéro de la collection
Des bonheurs-du-jour
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
105
Lieu
Montréal
Année de parution
1999
ISBN
9782760932210
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[7 FA ; 4 HG]
Septième anniversaire
Descendre
Baiser de mort
À quoi ressemble la folie ?
Fa'in homme de toé
Brumes d'automne
« Femme, voici ton fils »
Oiseau de nuit
September Song
Déviation
Noir Désir

Commentaires

Noirs Désirs regroupe onze nouvelles de Stanley Péan dont sept relèvent du fantastique. À part deux inédits qui ne sont pas datés mais qui semblent récents, il s’agit de textes qui ont été publiés entre 1987 et 1993. Ils ont été en partie réécrits car les fautes, les mauvaises constructions syntaxiques et les clichés littéraires signalés par les différents commentateurs de L’ASFFQ à l’époque ont été corrigés. Néanmoins, les textes anciens jurent quelque peu, en raison de leur humour de carabin, avec une nouvelle comme « Déviation », visiblement écrite pour le recueil. On peut alors mesurer le chemin parcouru par Péan au cours des dix ou douze dernières années.

Il y avait déjà un moraliste tapi dans ces premières nouvelles comme on peut le constater dans « Septième Anniversaire » qui date de 1988 : « La haine est tellement plus facile à justifier que l’amour. » Cependant, son travail de journaliste et ses fréquentations de la faune littéraire ont amené Péan à raffiner son humour et à développer davantage sa critique sociale. L’éclatante démonstration en est faite dans « Déviation » où le personnage de Luc Marquis évoque férocement Richard Martineau (la dédicace « À Richard, en toute amitié » donne la mesure de l’ironie de l’auteur). Péan n’hésite pas à épingler les travers de sa génération, le conformisme ambiant et l’hypocrisie de la société. Le journaliste, qui a la repartie facile, qui ne dédaigne pas les coups de gueule (à l’endroit de Denise Bombardier notamment), se dévoile dans cette nouvelle qui est la meilleure du recueil. La meilleure non seulement en raison de sa charge sociale mais aussi parce que le fantastique qui s’y manifeste apparaît plus subtil et moderne, moins dépendant des conventions du genre.

Le fil conducteur du recueil n’est d’ailleurs pas le fantastique – n’oublions pas que quatre textes ne peuvent prétendre s’y rattacher – mais plutôt le thème du couple qui fait le pont entre les nouvelles anciennes – pour ne pas dire datées – et les plus récentes. Le couple, chez Péan, ne se porte pas bien. Il y a presque toujours un point de rupture qu’il finit par atteindre. Et même quand tout semble baigner dans l’huile, l’usure le guette, une menace diffuse plane. Ainsi, « Déviation » se termine sur une chute apparemment heureuse qui semble concrétiser le rêve ancien d’Yves. Mais il s’agit d’un faux happy end car la situation décrite contient en germe la vie étriquée et le mariage malheureux dont se plaignait Élisabeth. Il y a dans le dénouement une ambiguïté fondamentale qui nous force à reconsidérer notre première impression. Malgré ces échecs répétés, le ton n’est jamais vraiment dramatique. La gravité du propos est toujours désamorcée par l’humour, de sorte que même les actes les plus violents ne sont jamais tout à fait réalistes. D’où le caractère absurde de certaines situations qui le dispute au fantastique.

Autre particularité du présent ouvrage par rapport au recueil La Plage des songes qui rassemble des textes de la même période : les racines culturelles haïtiennes de l’auteur sont moins explicitement affichées. Certes on en retrouve encore des traces dans une nouvelle comme « Baiser de mort », mais de façon plus anecdotique. Il faut dire que le thème de l’exil s’y prêtait particulièrement. Ici, les personnages ne vivent pas l’exil du pays natal, ils sont plutôt exilés de leur propre vie.

La lecture ou la relecture de ces nouvelles a ceci de bon qu’elle permet de réévaluer les jugements. Les commentaires parus à l’époque sur chacune des nouvelles composent un discours pour le moins mitigé sur la valeur réelle de ces textes. Pourtant, l’ensemble comme recueil se défend plutôt bien malgré la cohabitation du jeune écrivain et de l’observateur plus mature des mœurs sociales. On note des réussites comme « Femme, voici ton fils » dont le climat angoissant évoque l’ambiance de Rosemary’s Baby ou « Oiseau de nuit » qui se distingue par un intéressant travail sur l’écriture.

Un mot, en terminant, sur le format du livre : tout petit (10,3 cm x 14,6 cm), il se glisse facilement dans une poche où on peut l’oublier à loisir. C’est ce qu’ont fait, semble-t-il, les critiques littéraires car Noirs Désirs, qui lançait une nouvelle collection chez Leméac, est passé presque inaperçu. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 133-135.

Références

  • Audet, René, Québec français 116, p. 9-10.
  • Potvin, Claudine, Lettres québécoises 97, p. 39.