À propos de cette édition

Éditeur
Françoise Marois
Titre et numéro de la collection
Triptyque
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
175
Lieu
Albanel
Année de parution
1994
Support
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Résumé/Sommaire

Commentaires

Le recueil Nouvelles nouvelles (volume 1) a ceci de particulier que son auteur, David Simard, avait à peine dix-sept ans au moment de sa publication. Le jeune homme, originaire du Lac-Saint-Jean, s’est inscrit à quinze ans à un atelier d’écriture et publie ainsi ce recueil de neuf nouvelles, dont sept relèvent du fantastique, sous l’égide d’une écrivaine-conseil.

Honnêtement, le résultat impressionne, quand on considère l’âge de l’auteur. La plupart des textes sont de longueur importante (dans quelques cas, on trouve des novellas de plus de 30 pages) et, si l’on perçoit la naïveté adolescente dans certains récits, le lecteur trouvera néanmoins, au final, une belle maturité littéraire dans l’écriture de Simard.

La grande force des textes de Simard tient à l’imagination débridée dont fait montre l’auteur, comme on rêverait que tous les jeunes adultes en soient pourvus, et à son écriture particulièrement soignée. On remarquera dans certains textes une pluralité de narrateurs et une confusion créateur/création qui n’aurait pas déplu à Borges (« Léger Problème d’identité »). Notons également l’épaisseur peu banale attribuée aux personnages nés de la plume de Simard, en l’occurrence les femmes ; des femmes fortes, des femmes de caractère, qu’on se plaira à découvrir dans « Pour tuer le temps » et « La Pommière ».

À cet égard, le principal bémol que je serais tenté de mettre sur cette œuvre concerne le soin qui a été accordé par l’auteur (et surtout l’éditrice, le supposé-je) à « innover » sur le plan linguistique, surtout en ce qui a trait à la féminisation de certaines particularités orthographiques. C’est d’abord et avant tout la présence du pronom personnel « illes » (qu’on trouve dans toutes les nouvelles) qui agace, ce pronom ayant pour utilité « d’assurer la représentativité féminine d’un couple ou d’un groupe mixte de deux personnes et plus » (dixit Françoise Marois, dans sa « Note de l’éditrice » qui puise à même un ouvrage publié par elle-même (en tant qu’auteure et éditrice) et intitulé La Féminisation comme instrument d’analyse sociolinguistique). Par exemple, on note la phrase suivante : « Illes terminèrent de manger vers six heures. » Cet usage manque de naturel et on se demande pourquoi il est mis en pratique dans tous les textes. (On pourrait comprendre et apprécier un tel néologisme dans un ou des textes à saveur particulièrement féministe, comme c’était le cas dans Chroniques du Pays des Mères d’Élisabeth Vonarburg – 1992. Seulement, ici, le pronom est employé dans tous les contextes, et on s’interroge sur ce qu’on cherche à démontrer en le mettant en pratique.)

Outre ces considérations linguistiques, auxquelles s’ajoute un graphisme lacunaire et quelque peu amateur, hélas – chaque texte est illustré par deux jeunes dessinatrices, Sarah Côté et Pascale Desbiens –, le recueil de Simard montre un bel imaginaire, d’autant qu’il provient d’une jeune tête qui a manifestement beaucoup lu. Simard possède un sens du détail peu commun (pour un auteur d’aussi peu d’expérience, je le répète) et un ton habituellement très juste, souvent très froid, tel qu’on en trouve de nos jours dans certains récits de Frédérick Durand ou de Claude Bolduc. La majorité des histoires se déroulent au Lac-Saint-Jean, la plupart du temps à Dolbeau. Cette municipalité située à l’ouest du lac Saint-Jean fait d’ailleurs souvent écho au « Hameau » décrit par Yves Thériault dans ses Contes pour un homme seul (1944). Les personnages y sont souvent méchants (tel Narcisse dans « Pour tuer le temps ») ou, encore, résolus à changer leur destin (telle Colette, la femme de Narcisse dans le même récit) ou, encore, tout à fait tordus (pensons à la vieille Agathe Doucet dans « La Villa des trépassés », un texte que Frédérick Durand aurait pu écrire et ajouter au recueil À l’intention des ombres (Vents d’Ouest, 2008) tant il cadre avec les mondes excentriques de l’auteur mauricien). Les univers sont glauques – on grimace de pitié plus que de dégoût à la lecture de la chute de « Glenda », un texte volontairement farci d’un romantisme mièvre qu’appuient les actions maladroites et un peu « quétaines » du protagoniste – et on pense immanquablement à Stephen King par moments : au roman Bazaar en lisant « Le Grenier de l’oncle Antoine » et à la nouvelle « Machine divine à traitement de texte » en lisant « Vincent ».

Je ne me souviens pas d’avoir vu le nom de David Simard ailleurs que sur la jaquette de Nouvelles nouvelles (volume 1), mais j’aimerais assurément le retrouver, après toutes ces années, question de voir où en est rendu ce nouvellier jeannois qui se montrait extrêmement prometteur. [SL]

  • Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 166-169.

Références

  • Lacroix, Pierre, Temps Tôt 38, p. 49-50.