À propos de cette édition

Éditeur
Brousseau et frères
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Les Soirées canadiennes, vol. III
Pagination
161-166
Lieu
Québec
Année de parution
1863

Résumé/Sommaire

Un canotier faisant escale à Saut-au-Récollet, lieu ainsi nommé en mémoire d’un missionnaire qui y fut noyé par un Huron, rencontre un vieux voyageur qui lui raconte une bien curieuse histoire. Quelques années après le meurtre du père Récollet, des hommes qui campaient dans les environs furent attirés par une lumière. Ils découvrirent un sauvage immobile et impassible devant un feu. Son corps ruisselait de l’eau de la rivière, mais l’eau ne mouillait pas le sable. Le feu brûlait, mais il ne produisait aucune chaleur. Les hommes s’emparèrent d’un tison ardent pour prouver à leurs compagnons la véracité de leurs dires. De retour au campement, un énorme chat noir s’attaqua à leurs canots. Les hommes lui remirent le tison et la créature disparut. Plusieurs croient que le sauvage est le « noyeux » du missionnaire, surpris par le diable quelques instants après le crime. Lui et son feu auraient été changés en loups-garous.

Commentaires

L’auteur nous propose un conte fantastique léger, honnête, dans lequel le plaisir de l’image l’emporte sur l’aspect moralisateur. L’histoire du sauvage devenu loup-garou pour avoir refusé l’Évangile et avoir tué un missionnaire est racontée par un voyageur qui la tient d’un plus vieux que lui. Taché laisse clairement transparaître la filiation avec la tradition orale. Le conte ferait même référence à un événement réel qui se serait produit en 1625 : l’assassinat du père Nicolas Viel par des Hurons.

Le conteur prend soin de bien situer le lecteur en précisant le contexte de l’époque. Il décrit les mœurs des canotiers de métier : la remontée du fleuve depuis Québec jusqu’aux pays d’en haut durait des mois ; les hommes trouvaient désennui chez des hôtes de passage ou se racontaient des histoires. Le portrait est bref mais très intéressant.

L’irruption du surnaturel se produit en pleine nature sauvage, près d’un rapide, un soir où il « faisait noir comme chez le loup ». Les canotiers sont alors témoins d’une scène troublante. Un Huron mystérieux se tient près d’un feu qui ne chauffe pas ; il est figé dans une pose qui évoque une souffrance intérieure. Ce court passage exerce une réelle fascination. À la fin du récit seulement, le lecteur comprendra que l’eau qui ruisselle sur le corps de l’Indien évoque le crime qu’il vient de commettre et dont il est « prisonnier ». Le diable a en effet pris possession du sauvage au moment où les forces du mal luttaient encore à l’intérieur de lui. Aucun feu ne pourra jamais sécher les larmes de ce corps.

En bon conteur, Jean-Charles Taché entretient le suspense jusqu’à l’intervention spectaculaire du diable annoncée par un bruit de chasse-galerie et un sacakoua épouvantable (grand tapage qui est l’équivalent de la chasse-galerie chez les Indiens). Le diable et le Huron ne font plus qu’un, au-delà de ce monde… [RP]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 193-194.