À propos de cette édition

Éditeur
Solaris
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Solaris 133
Pagination
17-23
Lieu
Proulxville
Année de parution
2000
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Martin, un traducteur qui n’aime rien tant que la solitude, se laisse pourtant convaincre par sa copine de passer un week-end de trois jours avec des amis sur une île privée appartenant à la famille de l’un d’eux. Faisant le tour du propriétaire, il aperçoit un bateau qui semble immobilisé de façon permanente au large de l’îlot. Prenant alors pour prétexte le fait qu’il a besoin d’informations pour un roman maritime qu’il est en train de traduire, il décide de se rendre en kayak jusqu’au cargo. Un membre de l’équipage lui tend la main pour l’aider à se hisser à bord mais puisque c’est le soir, le pagayeur a l’impression que le marin n’a pas de visage. Terrifié, Martin fuit mais, une fois revenu à terre, il constate qu’il n’y a plus personne, et qui plus est, l’endroit paraît avoir été abandonné depuis longtemps. Une barque se détache alors du cargo pour se diriger vers l’île. Soudain libéré de toute terreur, Martin attend l’arrivée de l’embarcation…

Commentaires

L’intrigue est des plus classiques, orthodoxe même, du type semi-maritime avec des accents hogdsoniens, saupoudrée d’un zeste d’expérimentation. J’ai eu du plaisir à lire cette nouvelle. Ceux qui connaissent Sur le seuil retrouveront ici la manière de cet auteur, c’est-à-dire une histoire bien écrite qui donne l’impression de ne vouloir rien casser mais comportant un certain suspense et une conclusion intrigante. C’est ce qui est plaisant chez Senécal, cette façon qu’il a de débuter une histoire sous des auspices plutôt ordinaires pour en arriver en fin de compte à quelque chose de plus surprenant qui satisfasse pleinement l’amateur de fantastique. Et quel titre génial qui peut se comprendre de diverses manières ! Cela le révèle pour ce qu’il est réellement, un écrivain intelligent et subtil et non pas seulement un talentueux romancier de série B.

Comme dans Sur le seuil, le lecteur attentif peut échafauder une interprétation. Par exemple, on peut dire que le protagoniste a obtenu ce qu’il voulait avec force : la paix, la solitude et la séparation définitive d’avec ses semblables. L’horreur là-dedans est de se rendre compte que la modalité selon laquelle on obtient ce que l’on désire le plus ne correspond pas nécessairement dans les faits au paradis artificiel que l’on s’était forgé. S’il y a quelque chose de pire que de vouloir une chose, c’est de l’avoir. Le rêve devient cauchemar.

Mais ne vous inquiétez pas, Senécal ne se pose pas en moralisateur, il applique simplement de façon cynique un vieil adage. Quoique pour ma part, je trouve dommage qu’il punisse ainsi son personnage pour un souhait qui, au fond, n’est pas sans légitimité. Mais comme le but du fantastique est souvent de mettre mal à l’aise et même de faire peur, on ne pouvait s’attendre à une conclusion avec des petites fleurs et des gazouillis d’oiseaux. Peut-être que Senécal veut ainsi récuser la misanthropie, attitude difficile à comprendre pour qui n’a pas eu à subir l’enfer des autres. Cependant, s’agit-il de la bonne interprétation à donner à cette nouvelle ? À vous de décider.

En tout cas, cette fin ouverte, surréaliste mais sans cet excès qui amène certains auteurs à écrire des textes incompréhensibles, est un élément qui donne une jouissance intellectuelle certaine au lecteur. Ce qui compte, c’est qu’il ait à faire un effort d’imagination plutôt que d’avaler du tout cuit avec, en conclusion, une explication limpide. Le récit fantastique a comme la mort sa propre logique qui ne se soumettra jamais à une causalité rassurante et conventionnelle. [DJ]

  • Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 155-156.