À propos de cette édition

Éditeur
La Presse
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
La Presse, 25 octobre
Pagination
B 1 ; B 8
Lieu
Montréal
Année de parution
1992

Résumé/Sommaire

Ils se sont rencontrés un soir d’Halloween, elle déguisée en Chaperon rouge et lui en Méchant Loup (sic). Les déguisements tombés, ils se reconnaissent : elle s’était occupée « de son dossier à son entrée au pays ». Un an plus tard, ils choisissent de fêter de façon intime dans leur appartement l’anniversaire de leurs retrouvailles plutôt que d’aller célébrer dans un autre bal costumé. Tard en soirée, on frappe à la porte. Stella laisse entrer les petits diablotins, croyant qu’il s’agit d’enfants déguisés, en dépit des craintes manifestées par son copain. La bande démoniaque emportera avec elle son compagnon, ne laissant que la peau de l’homme à ses pieds.

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Commentaires

Inspirée par un fait divers – l’entrée au Canada, par les voies normales de l’immigration, de militaires haut gradés somaliens, réputés criminels de guerre en leur pays d’origine –, la nouvelle de Stanley Péan paraît dans un cahier spécial publié à l’occasion de l’Halloween. L’aisance avec laquelle les militaires ont déjoué la vigilance de l’Immigration demeure toutefois la seule référence au réel. L’auteur permute rapidement la réalité et invente une fonctionnaire mulâtresse, Stella, qui retrouve « avec surprise et plaisir » l’un de ses dossiers quelques mois après s’en être professionnellement occupé.

D’emblée, l’écrivain établit dans un cadre fantastiquant – l’Halloween au son « des explosions apocalyptiques d’un rock endiablé » – ses deux personnages principaux. (Le choix des mots et des contextes n’est absolument pas innocent chez Péan ; pourrait-on en douter ?) La séduction d’un soir entraînera la romance nécessaire à la poursuite de l’histoire et, ainsi, au bout d’un an, les tourtereaux souhaitent fêter « en tête-à-tête le premier anniversaire de leur ensorcellement mutuel ». « Lumière orangée », « tête de citrouille en plastique » recréent le topos halloweenien dans une atmosphère plus intimiste.

C’est par ces petites touches d’information parsemées çà et là, par ces détails faussement candides ajoutés au fil du récit, que Stanley Péan construit peu à peu son univers. Tout peut encore avoir une explication rationnelle. Du moins, jusqu’à ce que le texte bascule dans le fantastique. Le personnage de Stella est d’ailleurs là pour rationaliser ce qui fait étrange dans le comportement de l’« homme d’âge mur » (qui, soulignons-le, n’est pas autrement identifié que par des pronoms ou des références au conte du Chaperon rouge, ou encore par la figure freudienne du père pour la jeune femme).

Le narrateur, qui ne croit pas au hasard, se contente apparemment de relater les faits dans leur nudité. Cependant, par le choix de son vocabulaire, par les précisions particulières dont il émaille sa narration, il conduit habilement son lecteur à croire à la mutation que constate, sans l’analyser, la fonctionnaire d’Immigration Canada car elle se trouve dans un état de plus en plus catatonique.

La nouvelle de Péan, par cette gradation dans l’énonciation, semble bien réussie. À peine pourrait-on chicaner sur la présence (éclairée) de la lune dans ce « ciel d’encre » mauve des banlieues où des enfants courent habituellement l’Halloween ! [GHC]

  • Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 145-146.