À propos de cette édition

Éditeur
H. Berthelot & cie
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Le Canard, vol. VIII, n˚ 25
Pagination
2-3
Lieu
Montréal
Date de parution
21 mars 1885

Résumé/Sommaire

F. X. A. Trudel, le directeur de L’Étendard, en a assez qu’on le béatifie : n’a-t-il pas droit, lui aussi, à une vie simple ? Et puis, un jour, toute cette vénération finira par ternir ses quarante ans de vertu. Alors qu’il vient d’éconduire une vieille femme qui voulait une pièce qu’il avait touchée afin de sauver son mouton atteint de la gale, Trudel entend une conversation entre deux hommes où l’un mentionne comment un bouton, longuement tripoté par l’avocat, aurait acquis des propriétés miraculeuses, protégeant sa femme et ses enfants de la migraine, des vers, de la jaunisse, des coliques… N’y tenant plus, Trudel décide de faire cesser ce concert de louanges et va se faire initier à la loge maçonnique des Cœurs Unis !

Commentaires

La satire n’a jamais tué personne, semble-t-il. Heureusement, car le directeur du journal L’Étendard, qui en prend ici joyeusement pour son rhume, aurait succombé à la lecture de « L’Obsession et le bouton miraculeux », texte qui, faut-il le préciser, ne prend tout son sens que si on le replace à l’époque où il a été rédigé. Car si cette courte pochade se sert du fantastique pour arriver à ses fins, c’est avant tout une charge personnelle du journaliste du Canard qui se servait du nom de plume de Salvio à l’encontre de son confrère.

Du texte lui-même, il y a peu à dire, sinon qu’il privilégie une étude de caractère hautement fantaisiste du sieur Trudel. Je dis fantaisiste parce que, peu importent les travers dudit sieur dans la réalité, il est évident que ce qu’en donne Salvio est une caricature outrancière et, ma foi, fort rafraîchissante. Du même souffle, et comme le but à atteindre est clair – assassiner littérairement Trudel –, l’intrusion d’une épidémie qui tue les moutons de Longueuil apparaît comme un prétexte utile afin de justifier une rencontre avec « celui-qui-guérit-tout », rencontre qui viendra à son tour appuyer les propos tenus sur les qualités du fameux bouton de paletot qui se retrouve dans le titre.

Quant à tout ce qui touche la franc-maçonnerie, il faut bien avouer que seul un historien pourrait, en cette fin de millénaire, encore saisir la portée de ce que ce final sous-entend sans avoir besoin d’un cours accéléré sur ce regroupement important à l’époque. Organisation plus ou moins occulte – et plus ou moins discrète ! –, la franc-maçonnerie, dont plusieurs membres faisaient partie de la « bonne » société, possédait un pouvoir réel dans certains hauts lieux du Canada français. À la lecture du final de Salvio, inutile de dire que ce dernier n’en faisait pas partie !

On dit souvent que l’humour vieillit mal ; ce texte satirique restera pour toujours une pièce littéraire valable uniquement pour son époque… et pour une certaine classe de gens en accord avec l’auteur ! [JPw]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 180-181.