À propos de cette édition

Éditeur
XYZ
Titre et numéro de la collection
Pictogramme
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Silences improvisés
Pagination
41-53
Lieu
Montréal
Année de parution
1991

Résumé/Sommaire

Au Québec, à Paris et à Buenos Aires, trois personnes sont fascinées par un étrange tableau – le même ? – au point de ne plus pouvoir y détacher leur regard. La toile qui semble illuminée par un éclat intérieur les conduit chacun leur tour à poser un geste aussi irrémédiable qu’atroce…

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Publiée dans un volume de la charmante collection « Pictogramme », qui jumelle l’imaginaire d’un artiste-peintre à celui d’une poignée de nouvellistes, cette nouvelle de Bertrand Bergeron s’inspire d’une œuvre picturale de Johanne Berthiaume. Nonobstant ce déclencheur externe, on y retrouvera certains thèmes récurrents chers à l’auteur, notamment celui de la contemplation. Qu’il s’agisse d’une toile (comme dans le remarquable « Mazìn taïno », commenté dans L’ASFFQ 1991), d’un miroir ou même d’un journal personnel, les personnages de Bergeron se trouvent souvent confrontés à des objets qui les renvoient à leur propre image, à eux-mêmes, ne serait-ce qu’au sens figuré.

Cette thématique n’est guère inédite, certes, mais diablement bien exploitée. La fascination exercée par la toile conduit les trois protagonistes principaux – le narrateur québécois anonyme de la première séquence, Khedidja, la jeune Arabe exilée à Paris et Clara, l’Argentine – à commettre un crime abominable : le meurtre puis le dépeçage de leurs conjoints. On comprendra que l’effet hypnotique de la contemplation de la toile n’a fait que réveiller en chacun d’eux une pulsion de mort déjà présente. Avec la subtilité caractéristique de Bergeron, la narration laisse entendre que diverses tensions existaient chez les trois couples – il n’y a pas d’amour heureux, comme le dit une chanson. Sous l’emprise du tableau, les meurtriers n’obéiraient qu’à des désirs secrets émanant du plus profond de leur être, exacerbés par la toile.

Comme toujours, on appréciera la construction minutieuse de l’intrigue, l’élégance de la phrase, cette pudeur et cette fausse froideur dans l’écriture qui évoque les modèles latino-américains dont se réclame l’auteur (Cortázar, en particulier) et qui, néanmoins, est bien personnelle. En somme, « L’Œil tranchant » constitue une nouvelle preuve, comme si le besoin en était, que Bertrand Bergeron compte parmi les nouvellistes les plus talentueux du Québec. [SP]

  • Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 21-22.