À propos de cette édition

Éditeur
Leméac
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
427
Lieu
Montréal
Année de parution
1993
ISBN
9782760931497
Support
Papier

Résumé/Sommaire

En compagnie du Vieux, Adakhan visite les ateliers secrets de son équipe où il apprend finalement en quoi consiste le projet Phénix qui comporte deux volets. Le premier, appelé Verso, prévoit l’évacuation d’un millier de Centraliens et de Périphériens à bord d’une centaine d’aghéloptères en direction de l’autre côté de la Terre qu’on souhaite plus accueillant. Le second, baptisé Oiseau de feu, tourne autour de la construction d’une fusée téléguidée qui doit permettre à un équipage de neuf membres d’atteindre une planète rapprochée, Ashmev. Là, il sera possible de recommencer à neuf, d’édifier une nouvelle société basée sur l’égalité, l’harmonie et la solidarité, ce que le régime de la Centrale ne peut offrir parce que le pouvoir est de plus en plus concentré entre les mains de Lokhfer.

Adakhan accepte de prendre le commandement de l’équipe qui doit rebâtir l’humanité sur de nouvelles bases. Mais avant de partir, il désire vérifier s’il ne pourrait pas aider les Périphériens à se libérer du joug écrasant de la Centrale en organisant leur soulèvement contre les dirigeants. Une première reconnaissance à bord d’un aghéloptère le convainc qu’il y a peut-être un potentiel de révolte chez les Périphériens qu’il ne peut négliger. Il décide donc de se rendre dans Manokhsor après avoir fait un détour par le désert qui entoure la ville. Il découvre qu’une faille de trente mètres de largeur ceinture Manokhsor à l’extérieur des remparts et que la ville s’enfonce graduellement. Seraient-ce les signes annonciateurs du cataclysme prévu par MO ? Cet affaissement de la matière inerte ne serait-il pas causé plutôt par les expériences de l’équipe de Lokhfer en physique et en nucléonique ? Même la matière vivante semble affectée. Les Périphériens sont de plus en plus maigres, petits, ridés.

Adakhan arpente son ancien quartier d’ONO, cherchant à découvrir une réelle volonté de changement dans le peuple. Sa dénonciation sur la place publique des faux dieux et des faux dirigeants qui gouvernent leur existence ne soulève l’intérêt que de quelques-uns, tandis que sa tentative de sédition auprès d’un groupe de buveurs attablés à l’auberge du Fer de Lance se termine par l’intervention brutale des archers. Adakhan est ramené à la Centrale, mal en point, et doit subir des traitements pour permettre à son organisme de se remettre des effets nocifs de l’air vicié de la ville. Son incartade n’est pas passée inaperçue aux yeux du Collège des Patrons mais le Vieux lui évite une condamnation exemplaire – un décervelage et un recyclage comme archer – en concluant un marché avec Lokhfer. Adakhan ira travailler au moins six mois-C dans l’équipe d’LC4-FR5 qui rêve de le gagner à sa cause et de le manipuler pour atteindre son but ultime : exercer un pouvoir absolu sur la Centrale et Manokhsor.

DKN-397 se résigne assez facilement à ce transfert qu’il avait d’ailleurs envisagé car les recherches de l’équipe du Vieux piétinent en matière de propulsion. Le projet Phénix risque de ne pas se réaliser avant le Cataclysme en raison de difficultés techniques. Comme l’équipe de Lokhfer est très avancée dans ses recherches sur la projection de la matière, Adakhan espère, en ralliant les rangs de l’adversaire, acquérir la technologie qui manque au projet Phénix et peut-être même renverser Lokhfer en suscitant l’ambition de ses lieutenants. Comment réussira-t-il à s’en tirer, d’autant plus que la belle Guntar a juré de se venger parce qu’il l’a laissé tomber au moment où elle croyait être parvenue à le mater ?

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Commentaires

Comme un comédien qui est habité par son personnage pendant tout le temps que durent les représentations, on est véritablement hanté par l’univers de L’Oiseau de feu tout au long de la lecture de ce roman magistral. Ce que j’aime par-dessus tout, ce sont les visites d’Adakhan dans la ville de Manokhsor. Je trouve que l’écriture de Brossard y est alors à son meilleur, qu’elle vibre d’une sensibilité et d’une compassion remarquables alors qu’elle est plus détachée, plus retenue dans les scènes qui se passent dans la Centrale. L’opposition entre les deux mondes est toujours aussi sidérante.

On en est donc arrivé à un point charnière de l’œuvre puisque le tome 2•B Le Grand Projet, est le troisième volume de ce qui sera une pentalogie. Il y a peu de nouveaux personnages dans cette nouvelle tranche mais certains sont approfondis, comme les membres de l’équipage de l’Oiseau de feu, ou appelés à prendre de l’importance comme l’intrigante et redoutable Guntar, une véritable bête de sexe. Quant à Adakhan, il reste fidèle à son image même s’il semble s’être assagi quelque peu : courageux, entêté, généreux, idéaliste. On ne peut faire autrement que de se sentir de connivence avec lui quand il revient dans son quartier d’ONO pour tenter de soulever les Périphériens contre les dirigeants.

Le troisième tome de L’Oiseau de feu est construit autour de l’utopie dans tous les sens du terme. Il y a d’abord le projet de Syrius qui veut édifier une société nouvelle sur la planète Ashmev. Pour ce faire, l’Homme doit accéder à un stade supérieur où il pourra concilier des valeurs apparemment opposées : la logique et l’intuition, la rigueur et la créativité, la société et la nature, l’éthique et l’esthétique, la volonté et la tendresse, l’homme et la femme. « Car chaque dualité […] peut devenir trinité ; et chaque trinité est unité… » dit le Vieux à Adakhan. Utopie aussi, l’entreprise d’Adakhan qui veut amener les Périphériens à se révolter contre leur sort.

C’est cette même pensée utopique qui modèle, en somme, le fond du roman, mais aussi sa forme. C’est là que se situe la réussite incontestable de l’œuvre de Jacques Brossard. L’auteur arrive à faire la synthèse de plusieurs sous-genres en SF. Il traite de métaphysique à plusieurs reprises en s’interrogeant sur l’essence de l’Homme et sur la notion d’un dieu cosmique qui régirait l’univers tout en développant une histoire qui mise beaucoup sur la science et la technologie et en mettant en place le cadre propice à l’opéra galactique qui s’annonce. C’est ce choc des contraires qui fait tout le charme de l’œuvre de Brossard. Il peut discourir sur les mérites du « dieu cosmique » de Lenardth et du « dieu inconnu » du Vieux puis nous entretenir des dernières découvertes de Lokhfer en nucléonique. La technologie n’est qu’un moyen pour l’Homme d’atteindre un nouveau stade de développement, certes, mais cela n’empêche pas l’auteur de réfléchir sur les conséquences de certaines découvertes comme la projection d’objets. Rigueur et créativité, donc.

L’écriture elle-même participe de ce mouvement syncrétique en étant à la fois descriptive et lyrique comme au XIXe siècle et, à un deuxième degré, remplie de clins d’œil et de graphies ludiques. La narration récupère des mots anciens, hérités de la civilisation qui existait avant la Catastrophe, mots anglais ou latins francisés : « plérômes » pour « playroom », « ikhetnunkh », transcription phonétique de l’expression latine « hic et nunc » signifiant « ici et maintenant », « zatiz de kweshtchun » pour « that is the question ». Au rayon des clins d’œil pour amateurs de SF, il y a un Centralien qui s’appelle THX-138 (coup de chapeau à George Lucas) et de fréquentes allusions aux vieux livres d’essef qui alimentent les réflexions de Syrius.

S’en trouvera-t-il encore pour prétendre comme l’avaient fait certains esprits chagrins au moment de l’attribution du Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois au premier tome de L’Oiseau de feu que cette œuvre n’est pas de la science-fiction ? Diantre ! Il ne faudrait pas que l’arbre empêche de voir la forêt, ce que l’œuvre foisonnante de Jacques Brossard est à plus d’un titre. Mélange de valeurs anciennes et nouvelles, de classicisme et de modernisme, d’interrogations spirituelles et de considérations scientifiques, L’Oiseau de feu incarne dans son projet romanesque la quintessence de la philosophie humaniste prônée par le Vieux, ce mentor spirituel qui nous laisse entrevoir les possibilités illimitées de l’Homme.

Ma seule déception concerne le travail d’édition proprement dit. Je regrette d’avoir à le dire car j’admire le courage, la détermination et la générosité de l’éditeur Pierre Filion qui croit en l’œuvre de Jacques Brossard. Le texte comporte quelques coquilles typographiques et j’ai noté à deux ou trois reprises des erreurs de noms de personnages alors que les deux premiers tomes étaient irréprochables sous ce rapport. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 38-41.

Prix et mentions

Prix Boréal 1994 (Meilleur livre)

Références

  • Ménard, Fabien, Solaris 108, p. 34.
  • Moinaut, José, Magie rouge 38-39, p. 29.
  • Ransom, Amy J., Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec IX, p. 605-607.
  • Voisine, Guillaume, Brins d'éternité 47, p. 109-113.