À propos de cette édition

Éditeur
Le Sorelois
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Le Sorelois, vol. X, n˚ 68
Pagination
1 ; 4
Lieu
Sorel
Date de parution
13 novembre 1888

Résumé/Sommaire

Dans la chapelle de son cloître, sœur Eugénie est en prière lorsqu’elle entend le chant d’un oiseau qui la transporte dans une grande extase. Elle monte dans l’espace, puis un ange l’escorte jusqu’aux portes du ciel où elle entrevoit une parcelle du bonheur céleste qui l’attend au terme de sa vie terrestre, pour elle un véritable exil. L’ange lui dit que « ce qui ouvre les portes du divin empire, c’est l’amour, le véritable amour qui aime Dieu, qui se dévoue pour le prochain ». Revenue sur Terre, sœur Eugénie se dévoue corps et âme, mais dépérit rapidement, car, hantée par sa vision céleste, elle ne rêve que d’y retourner. Sur son lit de mourante, elle reçoit la visite d’un oiseau, le même sans doute qui l’avait accompagnée dans sa première ascension. Après son dernier souffle, « un parfum enivrant se dégage du lit ». Sœur Eugénie est enfin dans la béatitude tant désirée.

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Commentaires

Ce qui frappe dans ce récit merveilleux chrétien, c’est l’absence de toute forme de conflit, à l’exception de la maladie, mais même là, la religieuse est presque heureuse d’être malade, car elle veut revoir le plus tôt possible le ciel qu’un miracle lui avait fait entrevoir. « L’Oiseau du cloître » rappelle un peu les Lais de Marie de France, les relations conflictuelles en moins avec certains vilains de la terre. Ici, l’oiseau n’est pas un beau chevalier métamorphosé pour l’amour de sa bien-aimée, mais un ange venu du ciel montrer la route de la béatitude à une religieuse qui a tout sacrifié des joies de la terre par amour pour Dieu seulement.

On note toutefois une certaine contradiction dans le discours de ce récit, contradiction qui touche le principe même de l’amour lié non seulement à Dieu, mais aussi et surtout à la charité, au dévouement pour le prochain, car sœur Eugénie semble préférer la mort au travail charitable ; elle ne vit finalement pas pour son prochain, mais pour elle-même, pour sa propre béatitude, au ciel, près de Dieu.

C’est là sans doute l’une des faiblesses de cette morale, cette idéologie de l’amour infini que l’on doit à Dieu avant même de le devoir aux humains. Loin des vies de saints qui ont dû affronter mille épreuves avant d’accéder à Dieu, l’histoire de sœur Eugénie paraît le reflet d’un univers, le cloître, où plutôt que de travailler pour le bien des hommes, on aspire à la mort en s’enterrant vivant et en ne rêvant qu’à l’au-delà.

Plus qu’un conte merveilleux, ce récit prend la forme d’un discours de refus du réel, du monde des humains, de la Terre. Il dit clairement que la Terre est un lieu d’exil alors que le ciel est le seul royaume. Ce type de merveilleux euphémisant sert à véhiculer une idéologie de refus du monde et d’exaltation d’un au-delà infiniment plus désirable que tout ce que l’on peut trouver sur la Terre. [MLo]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 39-40.