À propos de cette édition

Éditeur
Ashem Fictions
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
140
Lieu
Roberval
Année de parution
1998
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[5 FA ; 1 SF ; 1 FY ; 6 HG]
Neige
Embrasse-moi, Hannah
Belle Journée pour mourir
Le Visiteur
Les Trois vies de Gabrielle
La Figurante
Prémonition
Le Matin
Le Tire-bouchon
Jolie Fille sans remords
Les Corbeaux immortels rêvent-ils de contrôler le monde ?
Comme une ombre dans la pluie
Le Souvenir

Commentaires

D’emblée, soulignons qu’il ne faut pas se fier au sous-titre car, de « Nouvelles fantastiques », le deuxième recueil de l’année d’Hugues Morin n’en compte que sept – y compris une nouvelle de SF et une autre de fantasy – sur les treize que l’auteur nous propose. Par contre, et l’auteur s’explique longuement là-dessus à la fin du livre, toutes empruntent effectivement une thématique commune qui est loin d’être étrangère au fantastique puisqu’il s’agit de la mort. Ombres dans la pluie propose donc treize réflexions sur le phénomène le plus démocratique de l’univers et sur le rapport qu’entretiennent les pauvres vivants avec la mort, qu’ils l’observent, la subissent, la voient venir avant l’heure ou, au contraire, la supplient de venir les chercher.

Ceux qui sont familiers des nouvelles de Morin ne seront pas surpris à la lecture d’Ombres dans la pluie. L’écriture y est toujours directe, sans fioritures, souvent très proche du premier jet, ce qui a parfois l’avantage d’offrir au lecteur une proximité avec les personnages et l’action qui magnifie l’intensité de l’histoire, mais qui, dans d’autres cas, laisse le lecteur aux prises avec un support littéraire qui n’est pas à la hauteur du contenu. Ce qui ne fait pas de ces derniers textes des nouvelles inintéressantes – le cas de « Neige » est exemplaire en ce sens : un fort travail de réécriture aurait permis de hausser ce texte, médiocre malgré la force de l’idée (qui n’est pas sans rappeler cependant un certain « Brume » d’un certain auteur américain), au niveau du meilleur texte de ce recueil –, mais qui laisse le lecteur sur son appétit de par la faiblesse de l’écriture générale et sur une grande interrogation existentielle : pourquoi donc présenter tout de suite ce texte alors qu’il n’est manifestement pas abouti ?

Si, avec certains auteurs – dont nous tairons généreusement les noms – la question ne se pose pas, elle est tout à fait pertinente dans le cas de Morin puisqu’il ne fait aucun doute qu’il est capable d’amener à son niveau ultime un texte, à preuve cette nouvelle extraordinaire qu’est « Le Visiteur » et qui raconte avec une rare efficacité la surprenante vengeance d’un homme contre un professeur ayant abusé sexuellement de plusieurs de ses jeunes étudiantes. Stephen King, que Morin connaît bien, et peut-être trop, n’aurait pas fait mieux !

« Le Tire-bouchon » est un autre exemple de texte réussi. Or, on apprend dans les notes finales de l’auteur que ce texte a connu une longue errance avant d’aboutir dans ce recueil et qu’il a, pendant ce temps, subi des transformations majeures, dont l’élimination de deux niveaux de narration. Voilà une attente et un travail qui en valaient la peine !

D’autres nouvelles, bien sûr, sont à souligner, comme « Embrasse-moi, Hannah », une des rares nouvelles de science-fiction de Morin – très touchante incursion dans un futur à court terme –, ou encore « Le Matin », court texte macabre qui, par ses dernières lignes au réalisme résolument cru, n’est pas sans rappeler le style brut qui caractérisait l’auteur des Contes pour un homme seul.

Par ailleurs, la lecture d’Ombres dans la pluie permet de s’assurer de l’importance, pour Morin, de puiser son inspiration à même ses propres expériences, puis de les transposer dans des fictions. Deux tendances se font jour alors, ce qui nous donne ces nouvelles qui, d’une certaine façon, apparaissent comme des fictions thérapeutiques qui permettent à l’auteur de canaliser ses émotions – « Le Souvenir », dernier texte du recueil, n’est d’ailleurs plus une transposition, mais bien la réminiscence d’une perte en direct – en proposant une réflexion qui s’allonge le temps de l’écriture et ainsi d’en amoindrir la force, ou encore des textes d’action et à chute dans la veine – on y revient constamment ! – de Stephen King.

En résumé, donc, Ombres dans la pluie est un bon recueil qui aurait pu être nettement meilleur si quelques histoires avaient bénéficié d’une réécriture supplémentaire ou deux, d’un changement dans l’angle d’attaque ou d’un rééquilibre de leurs structures narratives, ce qui le situe quand même dans la bonne moyenne du lot de recueils qui nous sont proposés chaque année. [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 123-126.

Références