À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
imagine… 36
Pagination
11-20
Lieu
Montréal
Année de parution
1986
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Née d’un père Mûrien et d’une mère Ourlande, l’héroïne doit, à l’âge de quinze ans, quitter son père et ses sœurs pour rejoindre sa mère qui subit stoïquement les manifestations d’intolérance des Mûriens. En vivant parmi les Ourlandines, la jeune fille se familiarise avec leur civilisation et leurs mythes originels qui sont déjà présents en elle. Au cours de séances de méditation, elle prend contact avec la mémoire de son peuple et le dieu Dor qui lui révèle l’avenir des Ourlandes.

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Commentaires

« L’Ourlandine » d’Annick Perrot-Bishop présente en quelques pages le mythe central d’un peuple, les Ourlandes, d’une façon si dense et si complète qu’elle surpasse tout ce qui s’est fait à ce jour en SFQ dans ce domaine. J’inclus ici les nouvelles d’Élisabeth Vonarburg qui, à partir d’un sujet similaire, a besoin de deux ou trois fois plus d’espace pour déployer sa pensée. Cette capacité de traduire en si peu de mots un sujet aussi complexe ne fait pourtant pas l’économie d’images évocatrices et d’éclairs poétiques contrôlés. La réussite de cette nouvelle n’en est que plus exceptionnelle et éclatante.

Le mythe dont il est question a pour figure centrale le dieu Dor qui a créé le monde en se fragmentant, punition qui lui a été infligée pour avoir voulu jouir des cinq sens. Dans la mythologie des Ourlandes, chaque être constitue un fragment du dieu Dor, de sorte que la pensée spirituelle qui soutient ce peuple composé maintenant uniquement de femmes est orientée vers la nécessité de reconstituer le dieu créateur par la réunion de toutes ses parties.

Le texte d’Annick Perrot-Bishop est traversé par une vision englobante du monde, par une volonté d’intégration organique de tout ce qui vit. La voie d’accès à un stade supérieur de conscience ne passe pas par l’évolution technologique puisque cette avenue a entraîné, peut-on présumer, la mort des compagnons des Ourlandines. C’est pourquoi toutes les machines fabriquées à cette époque ont été mises à l’écart.

La vision naturelle, collective et panthéiste d’Annick Perrot-Bishop s’oppose ici à la vision individualiste et mécaniste proposée par Louis-Philippe Hébert dans « L’Antiquaire des années 2020 ».

Plusieurs autres thèmes gravitent autour du mythe central, l’enrichissent et font aussi de « L’Ourlandine » une nouvelle d’apprentissage. L’héroïne qui voit défiler dans sa mémoire le visage de ses ancêtres représente peut-être la dernière de la lignée des Ourlandines et en même temps, l’être capable de faire en soi la synthèse de ces fragments constitutifs du dieu originel.

L’auteure rejoint également un thème fondamental de l’écriture des femmes depuis quelques années, soit la relation mère/fille. La mère, en tant que dépositaire de la connaissance, agit comme initiatrice et développe une complicité tacite avec sa fille.

Par ailleurs, la nouvelle met en opposition deux attitudes qui comportent chacune leurs limites. L’agressivité des Mûriens, tout en étant garante de leur survie, les empêche de communiquer avec les autres, de reconnaître la différence et de l’accepter. De leur côté, les Ourlandines font preuve d’un pacifisme qui conduit graduellement à l’extinction de leur peuple. Il y a chez elles un refus viscéral d’exercer le pouvoir à la suite de l’échec d’une expérience passée fondée sur la concentration du pouvoir aux mains d’une élite.

La seule réserve qu’on puisse formuler à l’endroit de cette nouvelle concerne l’utilisation des temps du récit. Les retours en arrière ne sont pas introduits comme tels, créant ainsi une certaine confusion dans la narration. On comprend toutefois que l’auteure ait choisi de raconter au présent des événements du passé pour impliquer le lecteur, d’autant plus que le recours au narrateur en tu qui interpelle le père apparaît justifié et efficace.

« L’Ourlandine » est, de loin, le texte le plus important et le plus ambitieux d’Annick Perrot-Bishop. Elle fait preuve d’une évolution appréciable dans l’étude du mythe si on considère que « L’Île aux masques » n’en abordait qu’un aspect, soit la mort, alors qu’ici, l’analyse touche tous les aspects.

De plus, l’auteure maîtrise l’élément SF du monde extérieur qu’elle évoque discrètement dans des termes alternatifs aptes à créer un effet d’altérité, démarquant ainsi le texte du fantastique dans lequel son œuvre s’était jusqu’ici confinée. [RB]

  • Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 110-112.