À propos de cette édition

Éditeur
Triptyque
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Moebius 66
Pagination
31-43
Lieu
Montréal
Année de parution
1996
Support
Papier

Résumé/Sommaire

La veille de Noël, Diane la waitress bandante rentre chez elle les bras chargés de paquets et de cadeaux en vue de la fête intime, juste elle et son chum Dan, qu’elle prépare pour marquer leur quatrième anniversaire ensemble. Une fois à la maison, son répondeur lui apprend froidement que son chum la laisse tomber. Aussi sec. Plus qu’une catastrophe, c’est la fin du monde. Il ne peut pas lui faire ça, elle avait des projets, elle veut des bébés. Ils se sont même fait tatouer conjointement un triptyque particulier : quand il la baise entre les seins, les tatouages de sa poitrine qui embrassent ceux du pénis de son chum forment un ouroboros animé (la beauté de tça là ma tdire…/Ma tdire/ça sdit même pas.) Aussi folle de chagrin que d’amour, elle retourne voir son tatoueur, Skin le sorcier, pour qu’il lui efface le tatoo et la vie, s’il ne peut lui arracher l’amour. Elle découvre alors que les tatouages peuvent avoir une utilité autre que décorative, surtout quand le serpent cesse de se mordre la queue.

Commentaires

Déjà, l’originalité du titre interpelle : le mot « ouroboros » existe bel et bien, mais l’auteur utilise une graphie, ourobouro, inconnue par ailleurs. De plus, l’orthographe fantaisiste du sous-titre (konte de now-elle) montre une détermination à casser la norme et le bon usage. Pour en revenir à l’ouroboros, symbole que partagent de nombreuses civilisations antiques de tous les continents, il s’agit de la représentation d’un dragon ou d’un serpent qui se mord la queue. Il symbolise, selon les cultures, les époques et les régions du monde, l’éternel retour, le cycle de la vie, ou l’union du ciel et de la Terre, entre autres.

L’auteur exploite ainsi une figure à la riche symbolique, mais négligée dans les littératures de l’imaginaire, pour relever une banale histoire de rupture amoureuse. Quant à la dimension fantastique ainsi introduite, elle organise le récit, elle lui donne sa structure. Le fantastique urbain que pratique Jean-Frédéric Messier tire sa grande force d’évocation de ses deux principaux points d’ancrage dans la réalité : le sexe et le langage.

Dans le Montréal d’aujourd’hui, où l’on considère l’artisan tatoueur un peu comme un magicien ou un sorcier, il n’est pas si rare que des partenaires sexuels se fassent tracer dans la peau la marque de leur passion. Encore mieux si ces tatouages, en plus d’enflammer le désir des amants, amplifient l’effet fantastique lorsqu’ils s’animent et prennent vie. Le texte, en vers libres plutôt qu’en prose, s’appuie sur un langage vulgaire et cru, un joual des ruelles, là où les choses se disent sans artifice ni détour. Et c’est la voix d’un slameur ou d’un rappeur qu’on entend, c’est son hip-hop ponctué de jurons, d’interjections (genre « tsélà »), de répétitions, d’allitérations et autres procédés propres à la poésie.

En fait, il s’agit d’un texte qu’il faut lire à haute voix pour en apprécier le rythme et l’émotion. Et même s’il impose à son discours un tempo très marqué et soutenu, l’auteur sait coller à l’intrigue et à sa cohérence, aux personnages et à la progression dramatique. Au final, il doit considérer avoir bien réussi son entreprise : il nous laisse une histoire bien construite et bien racontée dans une écriture maîtrisée, énergique. Il nous ménage en plus une finale insolite. Un conte à lire ! À slamer même ! [RG]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 141-142.