À propos de cette édition

Éditeur
Alire
Titre et numéro de la série
Les Chroniques infernales - 3
Titre et numéro de la collection
Romans - 7
Genre
Fantasy
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
236
Lieu
Beauport
Année de parution
1997
ISBN
9782922145069
Support
Papier+
Illustration

Résumé/Sommaire

Rel, le prince hermaphrodite et quasi immortel des enfers, a réussi à faire cesser toute activité dans l’ancien territoire infernal. En échange, on crée ailleurs huit nouveaux enfers, mais on s’y adonnera aussi désormais à la réhabilitation des damnés. Après avoir connu et aimé un peintre homosexuel aux enfers froids, Séril Daha, assassiné par des réfractaires au nouvel ordre, Lame, endeuillée, s’est retirée au bord de la mer des anciens enfers dont elle est maintenant la gardienne, tandis qu’Aube, la fille de Rel, se charge des enfers froids.

Au début de ce nouvel épisode, Fax et Lame essaient de trouver dans les enfers froids la porte verte par laquelle Rel s’est autrefois enfui pour échapper au sadisme et à la folie de son père. Ils en trouvent une, mais elle est condamnée. Rel est déçu, mais il entreprend bientôt une tournée des sept nouveaux enfers où il est le bienvenu (les habitants des enfers froids lui en veulent. Il y est persona non grata). Lame l’accompagne ; ils passent des enfers du pal aux enfers cloîtrés, puis aux enfers mous (où Lame a subi son châtiment premier, ce qui lui rappelle des mauvais souvenirs), aux enfers empoisonnés et aux enfers tranchants où des cormorans mutants et télépathes, au bec acéré, tourmentent les damnés et où Rel, puis Lame font l’amour avec le chef des oiseaux-sbires, Nib – histoire de gagner quelques moments de paix pour les damnés –, puis enfin aux enfers de la vitesse et aux enfers chauds. Au cours de ces visites, Lame, séparée de son époux Rel depuis longtemps, se rapproche de lui.

À leur retour, une mystérieuse lumière à l’horizon marin attire Rel et Fax dans une contrée sous la mer, qu’ils découvrent être des limbes calmes et plaisants, destinés aux morts ne méritant ni le statut de justes ni le statut de damnés, encadrés par des géants scintillants visibles seulement la nuit. Rel et Fax y passent d’agréables moments, puis reviennent raconter leur séjour. Après quoi, Rel et Lame vont passer quelque temps dans la capitale abandonnée des anciens enfers, Arxann, où ils renouvellent leurs vœux de mariage. Mais Rel semble de plus en plus préoccupé et s’en va. Lame revient chez elle où, avec Taxiel, ancien sbire des enfers, elle s’applique à essayer de comprendre l’oracle de la toile que lui a laissée Séril Daha, sans grand résultat. Fax revient la chercher pour l’emmener voir Rel qui est retourné dans les limbes. Elle l’y trouve très malade. Inquiète, elle se promène avec Fax, qui semble en proie à de considérables bouleversements intérieurs à la suite de ses propres promenades : il retrouve peu à peu la mémoire de son passé, à commencer par son nom, Taïm Sutherland ; avec la Dragonne de l’Autore et des amis, il a déjà visité l’endroit où il emmène Lame, un gouffre impressionnant.

Lame, incertaine de ce qu’elle ressent devant tous ces changements, va s’installer pour de longs mois dans Arxann déserte, avec la toile de Séril Daha. Elle y effectue une descente en elle-même, dans ses propres souvenirs, d’où elle ressort plus sereine. Et elle y découvre une porte qui pourrait bien être celle donnant sur le pays où s’était enfui Rel et dont il a la nostalgie. Taxiel, Rel guéri et Fax, avec Lame et des gens du cru, réussissent enfin à l’ouvrir, se rendant alors compte que le père de Rel avait disposé tous les obstacles pour être sûr que son fils serait assez fort au moment de repasser la porte. Et lorsqu’ils la passent, Lame comprend enfin la toile de Séril Daha : celle-ci représente justement le paysage et la lumière qu’ils trouvent de l’autre côté…

Commentaires

Ce roman, aussi bref que les précédents, comprend cependant, comme eux, une quantité impressionnante de péripéties dans la mesure où c’est en fin de compte un travelogue : on nous fait visiter les nouveaux enfers. Mais ce voyage dans l’espace extérieur (en fait, clos et souterrain) s’accompagne, en abyme, dans la plus pure tradition initiatique, d’un voyage dans l’espace intérieur pour chacun des personnages principaux, Lame, Rel et Fax. Et comme son titre l’indique, c’est le roman de l’ouverture, sur tous les plans, encadré comme il l’est par ces deux portes vertes, celle qui ne s’ouvre pas, et celle qui s’ouvrira seulement parce que les personnages, dans leur périple intérieur, en sont arrivés à la bonne étape. Ouverture physique des nouveaux enfers, où les autochtones s’ouvrent aussi aux damnés en s’exerçant à la compassion pour les réhabiliter ; ouverture de meilleures relations entre les bourreaux et les bonnes âmes réhabilitatrices (avec Rel comme intermédiaire) ; ouverture de Lame à Rel, et vice versa, après des siècles de séparation (« Elle se sentait devenir creuse, éblouissante, capable de communiquer cette sensation à son partenaire émerveillé, lumineux à son tour, ne la touchant plus que par la lumière. » p. 234) ; ouverture de chacun des personnages à tous les autres, et à soi-même par le biais des souvenirs retrouvés (Fax), ou enfin confrontés (Rel, Lame) ; ouverture à d’autres sens, à d’autres possibilités, au changement et au mouvement ; et on pourrait aussi évoquer l’ouverture physique de Lame et de Rel, qui non seulement font l’amour ensemble à nouveau, mais participent chacun à son tour à une orgie érotique avec l’oiseau en chef, le féroce Nib – orgie qui les ouvre plus profondément à eux-mêmes, et l’un à l’autre.

Le simple récit des événements, cependant, ne peut rendre bien compte de tout ce qui n’est pas à proprement parler événementiel dans le récit, mais contribue beaucoup à le faire avancer, c’est-à-dire le voyage initiatique des personnages, fait de réflexions, de perceptions, d’émotions intenses, déclenchées par les êtres et les paysages. C’est là bien sûr que le style inimitable de Rochon se donne libre cours, avec son mélange de poésie, de quotidienneté au ras du banal, d’humour parfois féroce, parfois bon enfant, et de gravité fulgurante qui refuse toujours de s’appesantir. Comme les récits du bouddhisme zen que l’auteure connaît sûrement très bien, les chapitres qui constituent Ouverture, et le roman lui-même, peuvent se lire à plusieurs niveaux, aussi bien en surface où l’on jouira des effets surréalistes et du simple plaisir du dépaysement, qu’en profondeur où s’affirme, comme dans tous les textes de Rochon, une philosophie qui est aussi une éthique et une esthétique. Par exemple, en observant la toile trouée (ouverte…) puis magiquement réparée de Daha, un centre blanc entouré de feuillages, Lame songe ainsi : « Une lame a deux côtés. Un côté de justice : la justice est verte, efficace, accomplissant les conséquences des actes, rapide et active […] Et un côté d’indifférence : l’indifférence est blanche, puissante et ouverte, sans direction et donc rayonnante. » (p. 212). Et plus loin : « La déchirure du milieu, il l’avait réparée avec l’aide d’un juge du destin. À travers elle tout l’univers se devinait, le tangible et l’intangible, la trame et la chaîne, la nature et l’essence. » (p. 214).

À la fin du volume, on reste suspendu au bord de cette ouverture, attendant ce qu’il adviendra lorsque le monde du dehors et les profondeurs infernales seront de nouveau en contact par l’intermédiaire de la porte ouverte par Rel et ses compagnons. Pour les lecteurs aguerris de Rochon, le nom de Taïm Sutherland, identité précédente de Fax, a été un coup de clairon : ce personnage était l’un des héros de L’Épuisement du soleil et de L’Espace du diamant. Ainsi l’ouverture du titre annonce-t-elle une future circulation du sens entre les différents univers de l’auteure, l’ouverture les uns aux autres de compartiments imaginaires jusque-là plus ou moins étanches. On nous annonce aussi la réédition du Rêveur dans la Citadelle, l’œuvre de jeunesse de Rochon. De quoi ces convergences sont-elles le signe ? Les prochains volumes des Chroniques infernales nous l’indiqueront peut-être mieux. [ÉV]

  • Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 155-157.

Références

  • Fecteau, Mario, Temps Tôt 45, p. 47.
  • Mercier, Claude, Proxima 2-3, p. 105.
  • Meynard, Yves, Solaris 122, p. 46.
  • Navarro, Pascale, Voir (Montréal), 17/23-07-1997, p. 21.
  • Vennat, Pierre, La Presse, 25-05-1997, p. B 4.