À propos de cette édition

Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Feuilleton
Paru dans
imagine… 66
Pagination
79-105
Lieu
Sainte-Foy
Année de parution
1993
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Les candidats ayant jusqu’alors résisté aux épreuves d’initiation poursuivent courageusement leur examen. David, le personnage principal, continue de décrire avec la même minutie les épreuves imaginées par Ars, l’initiateur sans scrupule. D’abord, la suite du test se passe dans la nudité, mais il y a surtout les claustrophobes et les arachnophobes qui tombent à tour de rôle.

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Commentaires

Il est fondamental de préciser au départ que cette relativement longue nouvelle n’est que la première tranche (l’auteure ou la rédaction d’imagine… ne spécifient pas combien il y en aura) d’un projet de récit plus ambitieux que ne le sont en apparence les quelque vingt-cinq pages du premier épisode. Ce qui pourrait donc devenir un roman initiatique m’apparaît pour l’instant comme un long texte préparatoire. La suite de cette introduction suscite de grandes attentes chez le lecteur, car à vrai dire, la première partie a décidément tout ce qu’il faut pour ouvrir l’appétit. Tout au long de la lecture, on s’attend à retrouver des épreuves abominables, difficiles à supporter pour chacun des candidats initiés.

L’auteure est donc en train d’édifier un monde d’horreurs et d’obstacles écorchants où les candidats vont inévitablement laisser en cours de route des lambeaux de courage et de détermination. Bien que ces attentes ne soient pas comblées dans le premier épisode, il est à souligner que l’imagination de Danielle Tremblay est, oui, à la hauteur de ce qu’elle annonce tout au long de la partie d’exposition. En effet, ne perdons pas de vue qu’il ne s’agit ici que d’une mise en place des données, qu’une simple – malgré sa longueur – introduction essentielle à la crédibilité et à la vraisemblance de l’action principale de l’œuvre.

Quant à la forme, l’idée qu’a eue Danielle Tremblay de présenter le récit comme le message de David à un narrataire télépathe, le « vous » que nous constituons, nous, lecteurs, s’avère intéressante. Par ailleurs, malgré cette brillante idée, je me dis, triste et désenchanté, que même si dans un futur plus ou moins lointain on pouvait se passer de la parole ou de l’écriture pour communiquer, les fautes de français persisteront à exaspérer les amateurs de la belle écriture. N’est-il pas déplorable en effet que même la télépathie n’offre pas de solution concluante au sérieux problème de la qualité de la langue ? Peut-être, pour me faire l’avocat du diable, qu’en littérature de science-fiction, certains auteurs imaginent-ils un arrêté fictif des grammairiens du 30 octobre 2341 dans lequel l’usage admettra que les bébés pourront aussi être des « nouveaux-nés » (p. 91). Ah ! ces télépathes, ce qu’ils peuvent être pointilleux, à la fin !

Oui, Danielle Tremblay répond à mes attentes et élimine toutes les interrogations que j’avais eues à la lecture du premier épisode du feuilleton. Nul doute maintenant que cette première partie n’était en fait qu’un long acte d’exposition annonçant des péripéties plus soutenues et plus mémorables.

Ajoutons quand même, à la décharge du premier épisode, que s’il a su créer de si grandes attentes chez le lecteur, c’est sûrement parce que l’auteure a réussi à l’intéresser, à le sortir de son indifférence en quelque sorte. C’est déjà ça de pris et c’est de bon augure pour la suite, alors. Et cette suite, non seulement m’a-t-elle enchanté, mais encore m’a-t-elle permis de mieux apprécier l’utilité de la première partie.

D’abord, le style y est réfléchi ; l’auteure se sert en effet d’heureuses images afin de créer un univers particulier, et des effets stylistiques qui ajoutent à la magie de cet univers. Intéressant est le fait que Danielle Tremblay semble avoir entrepris de transformer tous les petits détails imaginables afin de les intégrer harmonieusement à son monde futuriste et science-fictionnel. Par exemple, cet « androserveur » qui s’exprime avec « l’accent anglais d’époque » (celui du début du XXe siècle), ou encore les appareils traducteurs simultanés, qui ne sont désormais plus réservés à l’usage des diplomates, mais sont également accessibles à tous, ce qui a pour effet de résoudre les problèmes causés par les barrières linguistiques.

Spleen et idéal de la science-fiction, « Pas de paradis sans… l’enfer » propose un monde où sont mêlés plaisir intense et souffrance atroce, où sadisme et masochisme côtoient détente et jouissance quasiment insoutenable par son intensité.

De plus, Danielle Tremblay ajoute la dimension du rêve dans l’imaginaire de son personnage David. D’abord, rêve de gloire et d’adulation par les foules, puis celui de l’absurdité de la vie, et enfin celui de la routine d’une confortable famille bourgeoise. On peut remarquer le contraste entre « les images tumultueuses » (l’expression est de l’auteure) du rêve et la réalité. Cette antithèse accentue l’idée de solitude ressentie par les candidats de l’épreuve initiatique, où bien sûr chacun est laissé à lui-même, voire contre lui-même.

« Pas de paradis sans… l’enfer » pose implicitement une question fort intéressante au lecteur : est-il préférable de profiter d’une vie aux plaisirs immenses, mais obtenus au prix coûteux de souffrances proportionnelles à ces plaisirs ? Ou, en revanche, est-il mieux de se contenter d’une monotonie affective et émotionnelle, préservant l’individu de douleurs et de déceptions, rançons inhérentes aux sentiments heureux ? [SR]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 179-181.