À propos de cette édition

Résumé/Sommaire
Un homme, artiste peintre raté, tente de décrypter la personnalité de l’extraterrestre qui habite avec lui depuis quelques semaines. Malgré l’alcool, la conversation se fait dans un sens seulement, l’extraterrestre demeurant muet et imperturbable. L’homme entreprend d’esquisser le portrait de son vis-à-vis et en vient à comprendre à travers les yeux de l’autre ses intentions, sinon ses sentiments.
Commentaires
« Peindre son ombre » est le premier texte connu de Jean Dion qui, pour l’occasion, utilise un pseudonyme tout à fait caractéristique de la discrétion qui, même à l’époque de l’apogée de la notoriété de l’écrivain (1985-1995), a toujours défini sa personnalité.
Pour son entrée en littérature, il narre l’histoire d’une rencontre du 3e type. Le lecteur est convié à un dialogue à sens unique entre un humain et un extraterrestre qu’il décrit assez sommairement, se concentrant en fait uniquement sur son visage en tentant d’interpréter ses réactions ou ses sentiments alors que son vis-à-vis ne répond pas à ses questions, reste impénétrable et de marbre.
L’auteur contourne habilement cette absence d’interaction qui aurait pu anéantir l’intérêt de la nouvelle en réfléchissant tout haut sur l’état de la planète, ses misères et ses maux, et sur la nature humaine. Certes, le pessimisme qui se dégage de son bilan est un peu appuyé mais il reflète bien l’esprit de la science-fiction des années 1970.
Si l’écriture manque encore visiblement d’assurance – et c’est sans compter les nombreuses coquilles typographiques et surtout les fautes d’orthographe telles que « entrain de… » (au moins cinq occurrences) qu’un professeur de littérature comme l’était le directeur de Requiem aurait dû corriger –, Dion fait montre d’une réelle sensibilité dans l’étude du comportement humain ou animal. Il a toujours été un fin observateur des plus infimes soubresauts de ce qui vit et il en fait la preuve dans ce tête-à-tête qui semble voué à l’incommunicabilité.
La principale force de la nouvelle réside dans l’ambiguïté des sentiments de l’extraterrestre et de sa nature. Est-ce un mâle ou une femelle ? Au fond, qu’est-ce que cela change ? Rien, si on interprète la seule réponse, à part « Faim ? », que formule l’extraterrestre : « Les femmes… c’est comme les hommes. Vous vous battez pour quelques pouces de peau. » En définitive, ce que nous raconte Dion, ce sont les préliminaires, chargées d’hésitations, de peur et d’insécurité, d’une première relation sexuelle entre deux individus d’espèces différentes. On peut voir dans « Peindre son ombre » comme dans « Hypercruise » de Michel Lamontagne une manière d’assumer son homosexualité. Peindre son ombre, n’est-ce pas peindre un autre soi-même, son semblable ? [CJ]
- Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 175-176.