À propos de cette édition

Éditeur
Le Griffon d'argile
Genre
Fantastique
Longueur
Novelette
Paru dans
Archipel 1
Pagination
99-140
Lieu
Sainte-Foy
Année de parution
1988
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Le vieil homme raconte l’histoire de son grand-père, Mathieu Aubert, un homme comme il s’en fait plus. En amour avec le bois comme pas un, il avait passé sa vie à trapper et à bûcher. Quand il revenait, il faisait la fête à sa femme, Céline, à ses enfants et, plus tard, à ses petits-enfants. Mais un matin, la grand-mère s’est éteinte. La tristesse s’est abattue sur lui, il s’est confessé de ne pas l’avoir aimée au centième de ce qu’elle l’avait aimé. Il a repris le bois, pour en revenir au printemps avec… Petite Loutre, une jeune indienne avec qui il s’est marié malgré le curé et toute la paroisse. Mais le bonheur n’a pas duré, Petite Loutre est morte en couches. Cette mort, grand-père n’a pas pu la prendre. Alors il est reparti voir ses amis indiens et avec Pierre-qui-Souffle, le vieux sorcier, il a construit une chambre à suer, fait des offrandes à l’Esprit-Loutre. Le grand-père y est resté pendant deux jours sans manger et sans dormir, et puis Petite Loutre a été là, avec lui, et elle l’a été depuis ce temps à chaque pleine lune, nous a-t-il dit sur son lit de mort, avant de nous ordonner de le laisser seul… avec Petite Loutre.

Commentaires

Les récits où un vieux commence à raconter des histoires du temps ont le don de m’exaspérer, non que je déteste ce genre, mais bien parce que j’ai passé une partie de mon enfance à entendre de vive voix ces histoires et, généralement, les écrivains n’arrivent jamais à donner le ton exact qui était le leur.

Avec « Petite Loutre », cependant, j’ai eu l’impression de retourner sur le tabouret du magasin général de mon grand-père, à la veillée, entouré par la foule d’aïeuls et l’apaisant nuage de fumée de pipe, bercé par le rythme des dires anciens. Guy Genest, en effet, ficelle sa phrase comme au bon vieux temps, la parsemant juste assez de patois et de tournures pour donner cette couleur sépia nécessaire à toute histoire québécoise du temps.

Quant à l’histoire elle-même, on ne peut que la suive avidement tant elle est représentative d’une certaine époque – tout au moins dans le Bas-du-Fleuve, évidemment ! Sans en avoir l’air, Genest redessine le paysage sociologique d’hier, avec la vastitude du bois parsemé d’Indiens, ses petits villages centrés sur l’église, le médecin, les cancans, les naissances et les morts. De ce portrait fort qu’il trace, on retire la fragilité de la communauté blanche d’alors ; par l’intrusion de la mythologie indienne qui “fonctionne” aussi bien que celle des blancs, il nous montre la lutte extrême qui s’est jouée entre deux styles de vie, entre deux systèmes de pensée, entre deux cosmogonies. Celle des Indiens était vouée à l’oubli ? Pas si sûr. En ce temps-là, tout était précaire, sujet au changement : dans un pays neuf, les seules traditions existantes sont celles que l’on forge sur le vif ! Y aurait-il eu plus de Mathieu Aubert, semble nous dire le conteur, que peut-être, sait-on jamais ?

Guy Genest, lui, se contente de conter. C’est à nous, les lecteurs, de trouver ce que nous voulons dans un texte. J’ai trouvé tout cela dans « Petite Loutre », tout en passant un excellent moment de détente. Que demander de plus ? À mon sens, l’un des textes majeurs de cette première anthologie des éditions du Griffon d’argile. [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 77-77.