À propos de cette édition

Éditeur
BQ
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Anthologie de la science-fiction québécoise contemporaine
Pagination
51-60
Lieu
Montréal
Année de parution
1988
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Considérée comme une sorcière, élément indésirable de la société de Mingue, Ivana a été lynchée, mais sa fille Ivanassa a pu s’échapper dans la forêt. Le trappeur Matthéek, lancé sur ses traces pour la secourir, la trouve grièvement blessée. Il l’amène chez lui, la soigne tout en maudissant cette société qui l’a marginalisé lui aussi parce qu’il est un mutant. Elle meurt toutefois durant la nuit, non sans avoir offert à Matthéek un don ultime : il ne boitera plus.

Première parution

Petite Sorcière (La) 1981

Commentaires

C’est sous le signe de la tendresse et de la révolte que s’inscrit ce texte sensible de René Beaulieu. Un style sobre accompagne une bonne structure textuelle pour traduire avec délicatesse la gamme d’émotions vécue par le trappeur. Délicatesse et efficacité : le lecteur vit avec Matthéek l’inquiétude et l’angoisse, ressent la gratitude du handicapé envers la "petite sorcière" qui lui a donné la guérison en opérant le miracle.

La conclusion du miracle, qui oriente ce récit de science-fiction vers le merveilleux, peut apparaître facile par sa logique évidente. Cependant, sa fonction sert à rehausser le lien profond qui s’est tissé entre les deux protagonistes, unis par leur marginalité au sein de la société.

De plus, elle appelle une réflexion de type moral. La solidarité, le don désintéressé de soi élèvent l’homme au-dessus des mesquineries, de l’op­pression sociale. Elles provoquent le miracle d’une communication vraie. La progression narrative, de même que le style sobre, évitent au texte de sombrer dans le pathos et lui confèrent une facture classique.

La réussite de « La Petite sorcière » repose surtout sur des allusions bien campées sur les sociétés minguéenne et virnienne. Par le biais du meurtre d’Ivana et des réflexions de Matthéek, le lecteur saisit les lignes directrices d’un monde post-cataclysmique. La société a régressé au stade tribal avec une structure centrée sur des petites communautés humaines. Ce regrou­pement, joint au phénomène des mutants touchés par les radiations, favorise le rejet de toute différence, de toute altérité humaine. Les deux sorcières n’ont-elles pas payé de leur vie cette différence ?

Que ce soit à Mingue ou à Virnie, la situation demeure inchangée. Les parents de Matthéek ont dû fuir de Virnie pour avoir voulu garder leur fils. Ce dernier, devenu adulte, vit à l’extérieur de la communauté, dans la forêt. Cette omniprésence de la pression sociale, décrite sur un mode allusif, encourage la participation du lecteur. Elle trouve par ailleurs écho dans les autres récits formant les Légendes de Virnie, axés sur la recherche de l’identité et l’acceptation réelle des autres, de la différence. Une correspondance intertextuelle qui ne peut que réjouir le lecteur : elle ajoute profondeur et vraisemblance à une narration efficace.

« La Petite sorcière » : un conte à relire pour le "plaisir du texte". Sa réédition : une invitation à renouer avec l’univers des Légendes de Virnie. [SB]

  • Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 21-22.