À propos de cette édition

Éditeur
Stop
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Stop 127
Pagination
41-54
Lieu
Montréal
Année de parution
1992
Support
Papier

Résumé/Sommaire

La pleine lune brillera chaque nuit tant que la Vierge n’aura pas été assouvie. Ainsi en a décidé Diogène, le Seigneur des Étoiles, malgré le climat de violence qui embrase la ville. Marie-Ève erre donc dans les rues à la recherche du mâle qui saura la combler sexuellement. Après quelques expériences qui la laissent sur sa faim, elle se rend chez un ami qui assouvit son désir, puis elle lui arrache le cœur pour le donner à Diogène. Elle remplacera ce dernier après lui avoir fait subir le même sort.

Commentaires

Si la littérature érotique est surtout le fait des femmes au Québec, c’est sans doute parce que celles-ci bénéficient d’un préjugé favorable de la part de la critique, majoritairement masculine. C’est là, à n’en pas douter, une conséquence du mouvement féministe qui a marqué la littérature québécoise au cours des années 1970. Par contre, plus souvent qu’autrement, les Jean-Yves Soucy, les Hugues Corriveau, les François Landry ont été écorchés par la critique ces dernières années.

Brigitte Caron est la dernière à tirer profit de la mauvaise conscience des critiques masculins. « Pleine lune » est un texte assez torride dans son genre. Claire Dé et Anne Dandurand peuvent aller se rhabiller. L’écriture rend bien le désir sexuel qui taraude les pensées du personnage principal. À cet égard, la première partie du texte est pleinement réussie.

Toutefois, le récit manque de crédibilité dans la seconde partie alors que le fantastique mythologique fait surface. Pour tout dire, la dimension fantastique du texte n’est pas très convaincante à cause de cette surprenante manifestation d’un rituel primitif qui exige un sacrifice humain pour se conformer au verbe d’un quelconque écrit sacré.

Ce qui m’agace dans « Pleine lune », c’est l’utilisation que fait l’auteure du fantastique. Il sert d’alibi à la transgression des codes sociaux et à une sexualité débridée comme si le désordre amoureux et la perte de valeurs comme l’amitié avaient besoin d’une justification irrationnelle pour être acceptés par le lecteur, comme si ce dérèglement n’était pas tout simplement le vrai reflet de la réalité.

En outre, l’auteure n’a pas su utiliser de façon originale les éléments mythologiques de son propos. Elle aurait pu exploiter la synchronicité du cycle menstruel et du cycle lunaire, par exemple. Elle nous sert plutôt quelques clichés convenus (l’influence de la pleine lune) et une conclusion déprimante, d’un cynisme à faire frémir : le seul homme qui semble capable d’aimer véritablement Marie-Ève se fait arracher le cœur par la jeune femme.

L’écriture est cependant mieux maîtrisée que la structure métaphorique du récit. L’histoire est racontée par Gwendoline, la geôlière de Marie-Ève, qui utilise le « tu » en majeure partie, mais aussi à une occasion au moins le « il » pour parler du premier partenaire de la jeune femme et, parfois, le « je ». Il en résulte une intéressante variation du point de vue narratif.

Si ce texte est très efficace dans le registre réaliste, il perd malheureusement une bonne partie de sa force quand il convoque un fantastique primaire pour appuyer sa critique sociale. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 49-50.