À propos de cette édition

Éditeur
Héritage
Titre et numéro de la collection
Échos
Genre
Fantastique
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
237
Lieu
Saint-Lambert
Année de parution
1993
ISBN
9782762571479
Support
Papier
Illustration

Commentaires

Les Portes mystérieuses compte onze nouvelles fantastiques. Quatre nouvelles proviennent de Contes de l’ombre et trois autres ont d’abord paru dans Légendes du vieux manoir. À l’exception de deux inédits, tous ces textes ont été publiés entre 1975 et 1980. Il est important de le préciser car l’éditeur ne fait aucunement mention de la première parution. C’est dire aussi que ces nouvelles représentent la première manière de l’auteur.

Au début de sa carrière, Daniel Sernine pratique un fantastique canonique qui utilise abondamment le ressort des objets maléfiques et fait appel aux figures démoniaques des Puissances du Mal. Ces forces destructrices sèment le chaos dans la ville de Neubourg, représentation symbolique de Québec au XIXe siècle. Les ambiances de ces nouvelles sont glauques, une menace pèse continuellement sur les personnages car ils se laissent tenter par la curiosité, le pouvoir ou l’appât du gain. Ce faisant, ils s’approchent dangereusement de la frontière qui sépare le bien du mal et, le plus souvent, leur faiblesse humaine leur est fatale. Portes mystérieuses, demeures abandonnées, cimetières hantés la nuit par des ombres insaisissables, les lieux génèrent un climat d’angoisse étouffant.

Les nouvelles de cette période ont été abondamment commentées dans L’ASFFQ au moment de leur réédition, dans une version souvent retravaillée par l’auteur. Ainsi, dans « La Charogne », Sernine a actualisé le temps du récit en remplaçant les lampes de type fanal par des lampes électriques fonctionnant avec une pile. Il a visiblement oublié de remplacer la deuxième lampe quand il écrit : « La flamme tremblota une dernière fois et s’éteignit dans la lampe. » (p. 164)

Il m’apparaît plus pertinent ici de parler des deux inédits car ils appartiennent à la seconde veine fantastique de Daniel Sernine, un virage esthétique entrepris au milieu des années 1980. Les deux nouvelles, « Les Portes mystérieuses » et « Maure à Venise », sont construites sur un même canevas. Une jeune fille est en voyage dans une ville en compagnie d’une amie ou d’une tante et elle vit une expérience extrasensorielle qui aura un effet positif sur sa vie.

L’auteur mise à fond sur l’effet « carte postale » en promenant son héroïne dans les lieux les plus touristiques de Paris et de Venise. Ici, le fantastique de Daniel Sernine est lumineux et thérapeutique, mais flirte aussi avec ces témoignages de clairvoyance qui inondent l’édition commerciale. Il est un présage de protection de la personne qui vit des expériences parapsychologiques (Mireille est sauvée d’un accident grave par l’apparition fugace de son arrière-grand-mère, Andrée-Anne est guérie du sida après avoir entrevu à plusieurs reprises le personnage de l’adolescent dans Mort à Venise), plutôt qu’annonciateur de mort. Faut-il y voir une corrélation avec le fait que ce sont deux jeunes filles, alors que ses personnages sont très majoritairement masculins dans sa veine traditionaliste ?

En optant pour un fantastique plus moderne, Daniel Sernine a troqué l’univers fictif de Neubourg pour des lieux réels. Il a aussi introduit des éléments de culture populaire dans ces deux nouvelles initiatiques. Si Jim Morrison est évoqué dans « Les Portes mystérieuses », l’ombre de Freddie Mercury, mort du sida, plane continuellement sur « Maure à Venise ». La nouvelle est entrelardée des paroles d’une chanson du leader du groupe Queen qui berce le spleen d’Andrée-Anne. En dédiant par ailleurs « Les Portes mystérieuses » à Francine Pelletier, c’est comme si Daniel Sernine exorcisait le voyage cauchemardesque de celle-ci à Paris au cours duquel sa sœur jumelle est morte dans des circonstances inimaginables et lui souhaitait, rétroactivement, la protection de son aïeule – voir à ce sujet l’émouvante nouvelle « Cloche vaine » de Francine Pelletier.

Quoique Les Portes mystérieuses soit constitué en grande partie de matériel ancien, le recueil est intéressant dans la mesure où il présente les deux facettes de l’œuvre fantastique de Daniel Sernine. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 170-173.

Références

  • Anonyme, Littérature québécoise pour la jeunesse 1993, p. 36.
  • Lacroix, Pierre, Temps Tôt 29, p. 39.
  • Meynard, Yves, Lurelu, vol. 17, n˚ 1, p. 27.
  • Pelletier, Francine, Solaris 107, p. 50-51.