À propos de cette édition

Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
imagine… 40
Pagination
49-73
Lieu
Montréal
Année de parution
1987
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Un agent spatio-temporel en mission sur la Terre est chargé de ramener un certain Kurdy qui y purge une sentence depuis longtemps expirée. L’agent, un cyborg presque indestructible, découvre avec l’aide d’un complice que le Service pour lequel il travaille a comploté avec une agence concurrente pour l’éliminer.

Commentaires

La nouvelle de Claude-Michel Prévost n’est pas reposante à lire tant la structure est complexe et le propos ambigu. Je ne suis pas sûr d’ailleurs d’avoir bien saisi la trame narrative. En tout cas, il y a certainement des détails qui m’ont échappé à la première lecture, dont la signification du leitmotiv You are leaving Procrastination City. S’agit-il de Montréal ?

En ce qui concerne la forme, « Procrastination City » comporte une série d’enchâssements. En fait, la majeure partie du texte constitue un récit dans le récit puisqu’il apparaît, à la fin, que l’histoire du réplicant en mission sur la Terre n’est que la mise en mots d’un projet ou d’un scénario de bande dessinée. Les autres enchâssements sont produits par le découpage de la nouvelle en quinze réalités. Toutefois, ce découpage manque de rigueur et ne correspond pas systématiquement à une nouvelle tranche spatio-temporelle. Il y a une rupture réelle entre la réalité 13 et la réalité 14, par exemple, mais ce n’est pas toujours le cas. La construction du texte de Prévost laisse donc à désirer quelque peu.

Le contenu de « Procrastination City » constitue un amalgame hétérogène d’influences diverses. L’atmosphère du récit principal rappelle celle de Blade Runner en raison de l’intrigue elle-même mais aussi de l’esthétique cyberpunk qui s’en dégage. Le nom de Dick est d’ailleurs mentionné à un endroit dans le texte. D’autres images paraissent nourries par le symbolisme propre à l’album et au film The Wall du groupe Pink Floyd. Enfin, l’auteur a utilisé certains éléments autobiographiques pour donner de la substance au personnage du créateur qui les refile immédiatement à son héros, le réplicant traqué dans un Montréal fin de civilisation.

Il ne faut pas trop chercher à comprendre la nouvelle de Prévost dans ses moindres détails. Au demeurant, la conclusion de la mission paraît bâclée, comme si l’auteur tout à coup s’en désintéressait complètement. La meilleure part de « Procrastination City » réside dans la flamboyance et le chatoiement de l’écriture. La description de Montréal, et particulièrement de l’axe de la rue Saint-Laurent, est traversée de flashs étonnants, magnifiques, d’une beauté surréaliste. L’auteur célèbre dans ce texte la poésie du métal, le mariage des intelligences artificielle et humaine, la synthèse de la précision de la haute technologie et de l’ivresse procurée par la sensation d’être vivant. « Dans un hurlement de freins cosmiques bloqués à mort, les habitants des univers parallèles allaient brutalement se réveiller, tout nus, tout petits, tout réels. » (p. 66)

Si « Capuccino Buns » jouait sur une nouvelle façon de voir l’érotisme et la séduction amoureuse, « Procrastination City » cherche plutôt à renouveler le polar. L’entreprise est nettement plus ambitieuse mais sans doute un peu moins réussie aussi. Dans chaque cas toutefois, l’auteur utilise la SF et ses multiples possibilités avec beaucoup de maîtrise et d’efficacité.

La fougue du style et ses effets poétiques qui imposent une sensibilité nouvelle ne doivent pas masquer le fait que l’auteur est plus qu’un virtuose de l’écriture heavy metal. Il a aussi des réflexions profondes à livrer. « Le premier réflexe des civilisations, quand commence la dégénérescence, est de refuser la vérité. De s’en bâtir une autre, plus confortable, plus docile. Et, le cas échéant, de l’imposer. Alors commence la folie schizoïde. Alors commence la folie planétaire. » (p. 67)

« Procrastination City », un texte important malgré ses défauts. Un trip saisissant ! [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 153-154.