À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
Du Jour
Titre et numéro de la collection
Aventure et science-fiction - 1
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
157
Lieu
Montréal
Année de parution
1963
Support
Papier

Résumé/Sommaire

À la suite d’un séisme qui a ébranlé la cité souterraine de Surréal, le jeune Luc 15 P 9 a découvert une fissure donnant sur un tunnel qui mène à l’air libre. Contrairement à ce qu’on croyait dans la ville-refuge sous le mont Royal, l’atmosphère à l’extérieur n’est pas délétère, le ciel est pur et la vie y a repris ses droits, depuis la Grande Destruction survenue vers l’an 2000. C’est une voix entendue dans sa tête qui a incité Luc à braver les interdits séculaires ; il se découvrira télépathe, apparemment le seul de toute la population surréalaise.

Luc a partagé son secret avec Éric 6 B 12, fils d’un ingénieur qui, avec son équipe, cherche l’origine d’une fuite d’énergie consécutive au tremblement de terre. Des mesures d’économie du courant sont en vigueur, et d’autres plus draconiennes devront être édictées si on ne découvre pas bientôt la cause des pertes. Aussi monsieur 6 B 12 a-t-il assigné son autre fils, Bernard, à la mission risquée de ramper dans les conduits de service avec des instruments de détection ; seul un enfant particulièrement souple peut se glisser dans ces tubes où courent les câbles électriques.

Paul, frère aîné de Luc, grand sportif et orateur en herbe, complète le quatuor éponyme qui sera mêlé de près à l’ouverture de la cité autarcique sur le monde. En effet, Bernard découvrira qu’un câble d’alimentation électrique a fait l’objet d’un branchement clandestin par ce qui est manifestement une autre communauté cavernicole, aussi velue que les Surréalais sont chauves. Luc, pour sa part, rencontrera à l’air libre la petite Agatha, membre d’une communauté agraire du nom de Laurania où la télépathie n’est pas rare et où une récente épidémie fait des ravages. Il mettra sa propre vie en péril en apportant à ces bienheureux survivants un générateur de rayons upsilon, engin médical miraculeux qui leur sauvera la vie.

Commentaires

Petit détail anecdotique en commençant : dans les deux tirages de cette première édition, le sexe de l’auteure n’était pas précisé. C’était « S. Martel » sur la couverture, « S. Martel » sur le dos du livre, « S. Martel » sur la page-titre. Aucun moyen de savoir qu’une femme avait commis ce roman de science-fiction pour jeunes, destiné à recevoir le prix de l’ACELF 1963. Rapprochement à faire avec les auteures anglo-saxonnes qui, écrivant de la SF pour adultes à la même époque, prenaient des pseudonymes masculins ou recouraient aux discrètes initiales… Les rééditions subséquentes, sous le titre Surréal 3000, aux éditions Jeunesse (1971) puis aux éditions Héritage (1980), concéderont à l’auteure son nom complet.

J’ai évoqué, dans d’autres critiques rédigées pour le présent ouvrage, le regard socio-historique qu’on ne peut s’empêcher de porter sur des œuvres vieilles de quarante ans, en particulier celles d’anticipation, l’ancienne vision du futur s’avérant souvent plus révélatrice que l’auraient été des récits simplement situés au présent de l’auteur.

Pêle-mêle, je relève ici de fréquentes références à Dieu et aux anges gardiens, l’insistance mise sur le respect des règles, des traditions et du devoir, l’empreinte de la hiérarchisation des classes sociales (propre à la société de l’auteure) sur la société en apparence égalitaire du monde fictif (page 79 : « Avec toute la déférence due à son rang, Paul est présenté à la jeune femme… », cette dernière étant épouse d’ingénieur – les femmes de Surréal ne semblent pas avoir d’autres attributs que d’être « l’épouse de… »).

« Computeur électronique », télétype, « visa-phones » et « rouleaux de dicta-vision »… au-delà des repas de pilules et de petits cubes, lubie typique des années soixante, ce qui frappe au sujet de Surréal est qu’il s’agit d’une dystopie lumineuse. Dans ce monde immaculé où des chiffres remplacent les noms de famille, tout est digne de 1984 et pourtant, on accepte sereinement ces contrôles sans fin : l’équivalent d’un réseau informatique compile les points de mérite et de démérite, observe tout ce que mangent les gens et leur reproche leurs rares gourmandises, prend note de leur assiduité à l’exercice contraint, aux douches obligatoires. La cité, close et autarcique, a en effet été aménagée puis scellée pour protéger ses habitants de la contamination radioactive et des gaz nocifs dégagés lors de la Grande Destruction. Jusqu’à l’élimination de toute pilosité, l’impératif sanitaire s’est mué en obsession hygiénique – malgré laquelle on fume et on rallume sans remords des « cigarettes-éterna », années soixante obligent. Le couvre-feu nocturne, prolongé à une durée quotidienne de treize heures pour économiser l’énergie, est respecté avec d’autant moins de réticence que le système envoie dans tous les cubes-appartements une petite dose de gaz soporifique à l’heure prescrite.

Il ne faut pas réfléchir trop longtemps à la vraisemblance de l’ensemble : après tout, murs et planchers de cet abri anti-atomique à l’échelle d’une ville sont faits de marbre blanc – ceci à Montréal ! Et tout un réseau d’immenses cavernes calcaires se prolonge sous la ville souterraine, donc largement en contrebas du fleuve et de la nappe phréatique, apparemment sans problèmes d’infiltration. N’évoquons même pas l’absence de tout appareil d’observation extérieure – ne seraient-ce qu’une simple prise d’air et une élémentaire caméra – qui aurait pu renseigner les Surréalais sur la fin du danger nucléaire.

Plus intéressante serait l’opposition possible entre cette dictature démocratique obsédée par la pureté, et la vie libre à l’extérieur. Or ce contraste porteur de toutes les péripéties dramatiques imaginables est à peine exploité. À la fin du livre, on ne saura rien des « Autres », simiesques et cavernicoles, qui volaient leur électricité aux Surréalais ; on ne saura surtout pas comment leur réseau de tunnels à eux a pu échapper aux ingénieurs de Surréal, qui – c’est dit explicitement – ont creusé au fil des siècles pour agrandir considérablement la ville-abri.

Autre perspective non exploitée : l’auteure laisse entendre que l’ouverture de la ville emmurée sur le monde extérieur, grouillant de germes et d’insectes, se fera sans heurts. On évoque les randonnées archéologiques, le sirop d’érable, les parties de pêche, la beauté des chevelures naturelles. Le Grand Conseil (que le connaisseur de SF pouvait soupçonner d’autoritarisme, voire de dogmatisme, sur la foi de quelques indices échappés dans le récit) adopte une attitude bienveillante, voire bon enfant. En somme, « tout est bien qui finit bien », une conclusion (ou une morale) loin d’être anodine lorsque écrite aux plus sombres années de la Guerre froide. [DS]

  • Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 129-131.

Prix et mentions

Prix ACELF 1962

Références

  • Guy, Hélène, Lurelu, vol 13, n˚ 1, p. 31.
  • Le Brun, Claire, imagine… 15, p. 89.
  • Lepage, Françoise, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec IV, p. 749-750.
  • Lortie, Alain, Requiem 16, p. 15.
  • Vincent, Thierry, Lurelu, vol. 20, n˚ 1, p. 56-57.