À propos de cette édition

Éditeur
Ashem Fictions
Genre
Science-fiction
Longueur
Novelette
Paru dans
Transes lucides
Pagination
53-77
Lieu
Roberval
Année de parution
2000
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Lucie Wakanebo, une informaticienne de Québec à la vie rangée, voit son existence bouleversée par la rencontre de Seyashee, un mystérieux garçon qui semble avoir des pouvoirs surnaturels. Envoûtée, elle le regarde entrer chez elle, s’installer dans son appartement et dans sa vie sans qu’elle ne puisse rien y faire. Elle se met à faire des rêves étranges où, transformée en coyote mâle, elle cherche à s’affranchir de sa condition animale pour vivre dans la Maison des Mythes.

Un jour, après l’avoir pénétrée contre sa volonté – quoique Lucie semble être désormais privée de son libre arbitre –, Seyashee disparaît. Dès lors commence un long périple pour Lucie, ponctué de périodes d’absence, de pertes de lucidité de plus en plus longues. Elle obéit à une volonté autre que la sienne. Elle sent confusément qu’elle doit se rendre dans le nord de Régina pour accoucher, car c’est là que Coyote a toujours fait irruption dans le monde des humains. Neuf semaines après le début de son voyage, elle met au monde quatre louveteaux ayant la faculté de se transformer en êtres humains et apprend par Senx, le prince de la Maison des Mythes, que Seyashee est en réalité Coyote, l’animal qui, depuis des millénaires, cherche à se libérer de sa condition. Le cycle sera-t-il enfin brisé grâce à la naissance des enfants de Lucie ?

Commentaires

La porosité des frontières entre les mondes est un thème souvent exploité en science-fiction. Pourtant, la nouvelle de Mailloux se démarque de belle façon. Ce qui fait son originalité, c’est que les deux mondes qui y entrent en interférence, le monde des humains et le monde des Mythes, font, en quelque sorte, partie de la même réalité. En effet, qui crée les mythes et les légendes sinon l’Homme lui-même ? Les mythes ne font pas partie de son monde empirique, mais ils font partie de son imaginaire, ils ne lui sont pas étrangers. Ce sont ces deux dimensions de la « réalité » qui entrent en contact dans « La Raison du chien » lorsque Lucie rencontre Seyashee ; ce sont ces deux dimensions de la « réalité » qui se confondent dès que Lucie tombe enceinte de lui. Cette fusion de la réalité empirique et de l’imaginaire est bien rendue par le récit qui, à partir du moment où Lucie porte la progéniture de Seyashee, baigne dans une atmosphère étrange, quasi onirique. Le texte n’est plus suivi comme au début, mais plutôt fragmenté, syncopé au rythme des périodes de lucidité de Lucie. Ce morcellement symbolise bien d’ailleurs la fragmentation du réel que l’on observe dans la nouvelle, sa fragilité.

Parallèlement à ce questionnement sur la notion de réalité telle que nous la concevons, le récit de Mailloux est enveloppé d’une infinie tristesse. En effet, malgré tous les efforts qu’il a faits depuis quarante mille ans pour s’affranchir de sa condition animale, Coyote n’a pas réussi à briser le cycle dont il est prisonnier : chaque fois, il ne fait que suivre son instinct pour remplir le rôle pour lequel il a été créé, se reproduire. Il semble donc condamné à recommencer pour l’éternité. Sa souffrance, de même que celle de Lucie qui erre à mi-chemin entre deux mondes, sont bien rendues par une langue séduisante, poétique et évocatrice autant qu’efficace. Bref, « La Raison du chien » est une nouvelle troublante à plusieurs points de vue, un texte qui vaut la peine d’être lu, ne serait-ce que pour la poésie qui s’en dégage. [SN]

  • Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 108-109.