À propos de cette édition

Éditeur
L'instant même
Genre
Fantastique
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
211
Lieu
Québec
Année de parution
2001
ISBN
9782895021513
Illustration
Lili Richard

Résumé/Sommaire

Une femme arrive aux Bois noirs et s’installe dans une maison pour y passer l’été et se refaire une santé. Elle trouve là une petite communauté qui a ses habitudes immuables, un tableau idyllique qui exprime l’harmonie et la sérénité. Elle fait rapidement connaissance avec un voisin, Hank, un jeune homme affligé d’une claudication due, semble-t-il, à la polio. Elle le rejoint tous les jours au début de l’après-midi et devient son amante.
La quiétude que la femme croyait avoir atteint commence peu à peu à s’altérer quand elle croit entendre des voix à travers le vent qui bruisse dans deux magnifiques érables près de la maison. Elle voit ensuite une sorcière qui se moque d’elle et prend des poses langoureuses sur le seul pommier du jardin. La raison de Marie vacille quand elle se rend compte que le décor champêtre n’est pas aussi parfait qu’il lui est apparu à prime abord. Puis survient la catastrophe. Une enfant de dix ans, Talia, disparaît le jour où un violent orage éclate. Marie est dévastée parce qu’elle se culpabilise de n’avoir pas su lire les signes avant-coureurs de cette tragédie. Qui a enlevé la fillette ? Marie croit qu’elle a été l’instrument des voix des pleureuses pour que s’accomplisse un sacrifice visant à perpétuer l’immuabilité du monde de Bois noirs. Elle est conduite à l’hôpital psychiatrique où elle est internée car on ne croit pas à son histoire.
Dix ans plus tard, un policier est dépêché au lieu-dit Bois noirs pour enquêter sur la disparition d’une fillette, Alicia Duchamp, survenue il y a quelques jours. Sitôt arrivé, Harry tombe sous le charme d’Élisabeth, la sœur de Hank. L’enquêteur est surpris de constater que la petite communauté ne semble pas ébranlée par cette disparition, sauf Willie, un adolescent timide. Les voix venues de la forêt à proximité tourmentent à son tour Harry, conjuguées à l’ensorcellement qu’il subit de la part d’Élisabeth. Quand il découvre le corps d’Alicia et le squelette de Talia dans la cave en terre battue où a séjourné dix ans plus tôt une étrangère de passage, Marie, il fond en larmes. Ses collègues l’évacuent de la maison et Harry est mis au repos.
L’enquête ne permet pas de découvrir le ou les meurtriers des deux fillettes. Le policier, en donnant sa version des faits, s’incrimine du meurtre d’Alicia mais on n’accorde aucun crédit à son histoire. Rongé par la culpabilité qu’il tente de noyer dans l’alcool et résolu à mettre au jour la machination dont il a été l’instrument involontaire, il met au point un plan pour détruire l’ordre immoral de Bois noirs.

Autres parutions

Commentaires

Le Ravissement, qui a valu à Andrée A. Michaud le Prix du Gouverneur général 2001, est une œuvre hybride qui tient à la fois du polar, du conte merveilleux et du fantastique. C’est probablement la raison pour laquelle ce roman est passé sous le radar dans le milieu de la science-fiction et du fantastique au Québec. Il s’agit d’un polar, certes, mais d’un polar hors norme en raison de son hybridation et du fait que l’enquêteur ne se manifeste qu’à mi-chemin du roman pour élucider une deuxième disparition.
Dans la première partie, l’auteure installe l’atmosphère qui enveloppe Bois noirs, une atmosphère à la fois apaisante, loin des bruits de la ville que fuit Marie pour reprendre sa vie en main, et étouffante par le tableau parfait que le lieu propose à l’étrangère. L’atmosphère décalée, étrange qui s’en dégage rappelle le village dans lequel le personnage de la série britannique Le Prisonnier se trouve confiné contre son gré. Andrée A. Michaud dépeint ce décor en utilisant les tropes du conte merveilleux, à la façon de Lewis Carroll. À droite, un tableau idyllique et imperturbable qui s’avère un monde qui fonctionne en vase clos, une prison dorée dans laquelle se plaisent ses résidents qui font tout pour que soit préservé cet ordre immuable parce qu’il assure leur pérennité. À gauche, de l’autre côté du monde, la liberté incarnée par des adolescents qui circulent sur leur moto en faisant du bruit. De quel côté est la vraie vie ? 
Dans la deuxième partie, l’ambiance glisse du conte merveilleux au fantastique à cause de la présence du policier qui ancre le récit dans le réel et la rationalité, terreau habituel du polar. Ce mariage improbable est une des réussites du roman car si le polar repose sur une intrigue à résoudre et s’en nourrit, il doit aussi ultimement fournir un dénouement qui répond à toutes les questions en s’appuyant sur des preuves tirées de la réalité admise et non d’une réalité parallèle. C’est là que le roman d’Andrée A. Michaud subvertit le genre car il laisse le lecteur avec ses hypothèses. Ce polar hors norme, minutieusement construit, propose en outre un angle nouveau et original pour renouveler le thème classique du tueur en série ou plutôt, en l’occurrence, des meurtres en série. 
Le titre prend ainsi tout son sens en jouant sur les deux acceptions du mot : l’éblouissement, l’épiphanie que ressentent Marie et le policier dès leur arrivée ; le ravissement, le rapt, l’action d’arracher quelqu’un à la vie, d’enlever de force, de ravir un enfant à ses parents. On pense davantage à la joie et au bonheur qu’au deuil et à la perte et c’est précisément ce que donnent à lire les premières pages du récit quand la narratrice découvre ce lieu qui semble hors du temps, propice au bonheur parfait, à l’apaisement. Or il s’agit d’un décor factice qui cache bien des secrets et qui repose sur le sacrifice de l’innocence. 
Pour assurer leur immortalité, les résidents de Bois noirs orchestrent tous les dix ans une mise en scène se concluant inévitablement par un infanticide. Il y a une certaine parenté dans cette œuvre avec Les Enfants du sabbat d’Anne Hébert. L’attrait qu’exerce la forêt, source du mal et des voix de femmes qui minent la raison de Marie et du policier, contribue à établir ce rapprochement, de même que l’écriture très travaillée de Michaud. Le texte ne comporte aucun dialogue. L’écriture suit, d’une part, le fil des pensées d’une narratrice qui tente de repousser la folie qui la guette, de démêler l’écheveau mental des réflexions dans lesquelles elle se perd et, d’autre part, les déductions d’un narrateur au départ rationnel qui essaie de faire la lumière sur des événements dramatiques qui mettent en danger son équilibre mental alors qu’il se bute au mutisme des gens de Bois noirs.
En nous introduisant dans la tête de ces deux personnages, l’auteure nous donne directement accès à leur esprit confus qui, avec le recul, brouille leurs souvenirs respectifs de deux drames après un épisode de léthargie ou d’amnésie qui complique singulièrement la reconstitution de la trame des événements. La conclusion est cependant claire, malgré le flou qui persiste au sujet de la cause et de la séquence du drame qui se répète : il y a des forces à l’œuvre dans l’ombre qui manipulent l’esprit de quiconque s’insère dans cette communauté mais dont on ne connaît pas vraiment comment elles sont générées. La filiation avec le genre fantastique ne saurait être plus évidente ici, si bien qu’il est étonnant que des œuvres subséquentes de l’auteure – Le Pendu de TrempesMirror Lake – n’aient retenu que l’attention des critiques faisant partie de l’institution littéraire.
Le Ravissement n’est pas une lecture facile sous ses habits de « polar fantastique » en raison des phrases longues, enchevêtrées, tortueuses et itératives qui constituent le style de l’écrivaine. Le lecteur qui osera s’y aventurer en sera récompensé et éprouvera du ravissement devant l’intelligence et la sensibilité de cette écriture pleinement maîtrisée. [CJ]

  • Source : Solaris 225, p. 144-146.

Prix et mentions

Prix du Gouverneur général 2001

Références

  • Chamberland, Roger, Québec français 124, p. 20-21.
  • Ouellet, Pierre, Spirale 184, p. 10-11.
  • Thisdale, Martin, Solaris 141, p. 128-19.