À propos de cette édition

Éditeur
Les Intouchables
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
167
Lieu
Montréal
Année de parution
1998
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Nous sommes en 2008 ; la télévision est omniprésente, c’est le nouvel opium du peuple. Un commerce de télés voit sa vitrine fracassée : c’est l’acte du FRATER, le FRont AntiTÉlévision Radical. Le commandant de police Robert Blain se charge de l’affaire ; cela lui permet de se retrouver plus souvent en présence de sa collègue Christine Morin, dont il est à demi amoureux.

Le FRATER, c’est un seul homme : Jean Fréchette, reporter, qui a pris conscience de l’abrutissement des masses au moyen de la télévision. Quittant sa femme qui ne l’aime plus, Fréchette se lance dans une série d’actes de rébellion, laissant derrière lui des communiqués incisifs, espérant forcer les gens à se libérer du joug de la télé. Mais les médias font partie de la conspiration du silence et les gestes du FRATER n’obtiennent presque aucun écho. Fréchette fait la rencontre d’une prostituée, Sylvie, et en tombe amoureux. Il lui révèle qu’il est le FRATER ; elle participe immédiatement à ses coups d’éclat. À eux deux, ils font sauter vingt-cinq clubs vidéos, et le FRATER devient de plus en plus connu. Mais Sylvie décide de braquer une banque (sans Fréchette) ; le coup rate et elle est emprisonnée. Il y a eu six morts : Fréchette, horrifié, craignant que ceux qui veulent porter le flambeau de son groupe imitent cet acte, enregistre un communiqué où il explique sa philosophie. Par des manipulations électroniques, la télé présente une version dénaturée de l’enregistrement afin de le discréditer.

Blain, pendant ce temps, a quitté sa femme pour emménager avec Christine, mais ses trois filles usent de chantage pour qu’il revienne avec son épouse. Christine est complètement démolie lorsque Blain la quitte.

Fréchette décide de se servir de l’Internet pour entrer en contact avec la communauté des hackers, qui savent apparemment tout du FRATER et appuient son combat. Faisant fi des risques (la SQ a une brigade informatique qui espionne les conversations sur le réseau), il lance un appel à tous les hackers de la planète. Ceux-ci entrent en communication avec lui et lui fournissent des codes qui lui permettent de brouiller brièvement les émissions des chaînes québécoises ou d’y superposer ses messages. Malgré tous ses efforts, la plupart des gens restent accros à leur poste.

Blain a confié le dossier FRATER à Christine, laquelle rencontre par hasard Fréchette dans un bar et reconnaît la voix du FRATER. Elle devient sa petite amie. Les hackers s’arrangent pour pirater des dizaines de chaînes à la fois, mais leurs messages n’ont pas l’effet escompté. On décide donc d’appeler le peuple à la révolte pure et simple. Les gens descendent dans la rue, Fréchette parmi eux, jouant de la mitraillette. Les émeutes prennent une ampleur telle que Fréchette est convaincu que les siens vont gagner.

Mais le pouvoir en place décide d’une solution radicale : exterminer tous les révoltés. Des bombes sont larguées, des centaines de milliers de gens meurent, mais les médias n’en rapportent rien. Tous les amis hackers de Fréchette sont morts. Christine aura pu le sauver, lui révélant qu’elle est policière mais qu’elle s’est ralliée à ses idées. Fréchette sera retracé presque tout de suite ; un policier tente de l’abattre, mais il survit de justesse. Il passera plus d’un demi-siècle en prison.

L’épilogue se passe en 2084. Désormais, il est interdit de ne pas posséder un téléviseur. Fréchette, à 134 ans l’homme le plus vieux du monde, est interviewé et en profite pour cracher tout son fiel. Bien sûr, le reportage qui lui est consacré prétendra qu’il est devenu muet depuis cinq ans…

Commentaires

Vous avez sûrement déjà eu cette expérience. Dans un bar, à côté d’un gars avec deux ou trois verres dans le nez, ou bien dans un taxi au chauffeur volubile : un inconnu se met à vous déballer toute sa philosophie de la vie, et c’est un air que vous connaissez déjà. Moué, man, j’vas te dire, c’est toutte le système qui est pourri. La police sert à maintenir l’injustice ; c’est les riches qui mènent le monde pis y s’crissent du peuple, y nous endorment avec la télévision… Et vous êtes là à hocher la tête en silence ; si vous deviez pouvoir placer deux mots, ce serait « Oui, mais… »

La lecture de ce bouquin gauche et mal construit procure la même impression. Le discours social de Brûlé valse entre des banalités évidentes et des considérations paranoïaques, sans jamais offrir ce qu’on aurait pu espérer : une vision un tant soit peu intelligente et perspicace – je ne demande même pas une intuition frappante ou une pensée le moindrement originale ! Fréchette est convaincu que la télévision est le problème ; et pourtant, si le roman présente un argument, c’est que les riches, les corrompus et les puissants écraseront toujours les démunis, la télévision n’étant qu’un analgésique social. À part le jeu de mots percutant du titre, où est donc sa justification ?

Littérairement, c’est pénible. Sans que l’écriture de l’auteur soit condamnable au plan grammatical, tout dans ce livre est dit, rien n’est décrit, rien n’est raconté. Quand Fréchette descend dans la rue mitrailler des motards, c’est condensé en un seul paragraphe, où il se borne à constater qu’il aime tourner son arme contre ces gars-là ; on s’y croirait ! Les personnages n’ont à peu près aucune épaisseur psychologique ; les femmes tout particulièrement sont vues de manière très stéréotypée. L’intrigue, quant à elle, manque fréquemment de vraisemblance : difficile de croire aux démolitions à répétition de clubs vidéos que la police est totalement impuissante à empêcher malgré l’importance qu’elle accorde au FRATER, pour prendre un exemple parmi tant d’autres. À bien des points de vue, le roman rappelle donc un fantasme : dans sa construction, ses raccourcis fulgurants, la violence grotesque dont fait preuve Fréchette, la corruption universelle et systématique, en particulier de l’appareil gouvernemental ; on dirait vraiment que l’auteur a couché sur le papier tout l’écœurement que lui inspirent les iniquités de notre époque. Saine thérapeutique, mais le résultat n’est pas concluant pour le lecteur.

Quand je dis « notre époque », c’est vrai à plus d’un égard. Le monde de 2008 est en fait celui de 1998 déguisé. Les noms des téléromans à la mode ont changé, mais on sait bien à quoi Brûlé fait allusion. La guerre de Caracas, c’est bien sûr la guerre du Golfe, et ainsi de suite. L’aspect SF du roman se réduit à presque rien : les employés de McDonald’s ont été remplacés par des robots après qu’ils se soient syndiqués, et la langue française est interdite en 2032, les États-Unis ayant avalé le Canada. Quant à l’usage de l’Internet, il est à se tordre de rire : appuyez sur quatre touches de votre clavier à la fois et vous voilà en contact avec tous les hackers de la planète. Parlez-moi d’une interface usager simple et efficace !

Brûlé ambitionnait sans doute de produire une satire grinçante, un pamphlet vitriolique sur notre société fétichiste de la pitonneuse, mais La Religion cathodique n’est hélas qu’un roman puéril et insignifiant. [YM]

  • Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 47-49.

Références

  • Benoit, Élisabeth, La Presse, 04-10-1998, p. B6.