À propos de cette édition

Éditeur
Boréal
Genre
Fantastique
Longueur
Novelette
Paru dans
Le Grand Respir
Pagination
169-197
Lieu
Montréal
Année de parution
1999
Support
Papier

Résumé/Sommaire

L’alarme du système de détection retentit chaque fois qu’un étudiant, toujours le même, sort d’une bibliothèque. Le phénomène se produit même s’il ne transporte aucun livre sur lui. L’angoisse devient intenable. Pourquoi lui seul est-il victime de ce dérèglement ? Le jeune homme se rend à Paris pour y poursuivre ses recherches sur Maupassant. Après une longue journée de travail à la bibliothèque nationale, l’étudiant, affamé mais surtout excité par ses découvertes, est intercepté à sa sortie : l’alarme a résonné. Les policiers se jettent sur lui. Un inconnu s’interpose et le sort de l’impasse. Il l’invite même à dîner. Intrigué par son sauveur, qui ressemble étrangement à Maupassant, l’étudiant accepte l’invitation. Et les mets et les alcools de défiler… La conversation s’engage autour de Maupassant… qui répond évasivement aux questions du jeune homme. Les deux compagnons quittent enfin le café, plus que repus. L’étudiant, pris d’un malaise, s’arrête pour vomir tout son soûl. Maupassant en profite pour s’éclipser.

Commentaires

Alain Roy prend plaisir à voyager dans l’univers de Maupassant, à évoquer certains traits de l’écrivain (sa force physique, son penchant pour les plaisirs de la table et de la chair, son humour, sa maladie, sa folie…) et certains lieux de l’époque. L’intertextualité se manifeste dans le style (souci du détail à la manière des réalistes, ironie subtile, façon de conduire le récit) et par des allusions plus ou moins directes à l’œuvre de Maupassant qui, on le sait, excellait dans la nouvelle.

Alain Roy campe un intellectuel en pleine crise « doctorale ». Sa recherche sur Maupassant n’est-elle pas vaine ? Quelle piste privilégier ? La fécondité de l’auteur du XIXe siècle est telle qu’elle en donne le vertige, ou plutôt des nausées. L’aventure semble sans issue pour l’étudiant qui perd progressivement prise sur la réalité. L’intervention de l’inexplicable survient donc au moment où le thésard, en milieu de parcours, se trouve affaibli, émotivement et physiquement. L’alarme qui tinte sans raison à la sortie des bibliothèques traduit en fait l’état d’âme du pauvre chercheur : son sentiment d’inutilité et d’impuissance est tel qu’il dégénère en culpabilité. Mais ce n’est là que le prélude, la mise en atmosphère qui n’est pas sans rappeler le dérèglement psychologique du personnage du Horla (cette conscience aiguë qu’il avait de glisser vers la folie).

Un deuxième élément, l’apparition de Maupassant à la bibliothèque nationale et la projection de l’étudiant en plein Paris du XIXe siècle, pousse plus avant l’exploration en territoire fantastique. L’angoisse se dissipe toutefois pour faire place à l’humour, à la légèreté, aux traits d’esprit. L’échange entre l’étudiant et son sujet de recherche est un pur délice. Les jeux de miroir se multiplient. Le fantôme de Maupassant n’est-il pas un reflet de l’état d’esprit du personnage ? Il vient donner corps au désir de connaissance de l’étudiant et à ses intuitions. En ce sens, les excès de table font écho aux innombrables lectures dont le chercheur s’est gavé et à l’ivresse que procure la découverte, mais aussi au malaise qui survient lorsque l’esprit se trouve congestionné par une surabondance d’informations. D’où cette image de la fin : « Cela s’est mis à sortir de ma bouche, comme un déluge de mots, de phrases et de paragraphes, et je m’en mettais partout, sur les souliers et le pantalon. » Notre chercheur sortira vraisemblablement vainqueur de l’épreuve de la thèse…

Alain Roy propose une nouvelle fantastique moderne, savoureuse, qui fait honneur à l’esprit et au style de Maupassant. [RP]

  • Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 151-152.