À propos de cette édition

Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
imagine… 52
Pagination
27-39
Lieu
Sainte-Foy
Année de parution
1990
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Ylfe a été enlevée au cours d’une chasse organisée par les mâles d’Andropolis afin de servir de reproductrice au chasseur qui l’a capturée, Il-il-439. Comme elle a donné naissance à un garçon, on la garde en captivité jusqu’à ce que l’enfant puisse être sevré. Avant qu’on vienne lui arracher son fils, Ylfe lui raconte ce qui s’est passé en espérant que le subconscient de Xav conserve vivace la notion de liberté, de dignité humaine et d’identité.

Commentaires

Guy Bouchard continue d’explorer la société d’Andropolis composée uniquement d’hommes. Dans la nouvelle « Andropolis », il nous présentait le point de vue d’un Il-elle, sorte de sous-homme au service d’un vrai mâle. Dans « La Reproductrice », il nous offre le point de vue d’une Elle-elle qui a été enlevée par un chasseur afin d’assurer la reproduction de l’espèce mâle.

Le texte porte donc moins sur l’analyse de cette société, de ses lois et de ses rites que sur la relation maternelle qui unit Ylfe à son enfant. Écrite sur le ton d’un lamento, cette nouvelle exprime la douleur d’une mère qui sait que son fils lui sera enlevé et sera éduqué selon les préceptes d’une société qui entretient la haine de la femme. Le monologue d’Ylfe tente d’insuffler à l’enfant une parcelle de son identité et de lui inculquer la notion d’individualité.

Le texte est poignant par endroits car personne n’est insensible à la relation qui unit une mère à son enfant. Dans l’ensemble cependant, « Andropolis »se révélait plus intéressant parce qu’on y découvrait les mécanismes et les rites de cette société qui a fait du mâle la valeur suprême. Plus intimiste, « La Reproductrice » n’ajoute pas grand-chose à l’étude sociologique d’Andropolis. De même, Ylfe ne fait qu’effleurer l’organisation sociale de la communauté mixte où elle vivait, société utopique où les rôles sociaux ne sont pas sexualisés.

La nature du sujet commandait à l’auteur une approche sensible, un traitement qui ne soit pas trop intellectualisant. Il y réussit en utilisant un langage simple, des phrases courtes et efficaces. Mais il lui arrive parfois d’oublier qu’il s’agit d’une mère qui s’adresse à un enfant d’un an et le théoricien refait surface : « La conscience collective est un anéantissement de l’individu inscrit dans une structure de domination et de contrainte, mais dans ma cité elle est esprit communautaire et coopération… »

Par contre, je trouve toujours aussi efficace et ingénieux l’emploi du pronom personnel composé (Il-il, Il-elle, Elle-elle) pour désigner les rôles sexuaux de cette “androcratie”. Quand on sait que l’un des fondements du pouvoir de cette société est justement le contrôle de la langue, on mesure l’importance de ce choix linguistique porteur de l’idéologie phallocrate dominante. Il s’agit d’une belle trouvaille qui s’est vraisemblablement imposée à l’esprit de Bouchard après avoir réfléchi à l’utilisation du pronom générique “il” par Ursula Le Guin pour désigner les êtres hermaphrodites de Gethen dans La Main gauche de la nuit.

« La Reproductrice » est une nouvelle dure, sans complaisance, qui laisse la parole à une victime de la société totalitaire d’Andropolis. Elle ne permet qu’un faible espoir, que Xav un jour retrouve son identité, car on ne doute pas que la fin de la captivité de Ylfe ne signifie pas la liberté retrouvée ou le retour dans sa cité, mais la mort. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 33-34.