À propos de cette édition

Éditeur
Québec/Amérique
Titre et numéro de la collection
Titan +
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
150
Lieu
Montréal
Année de parution
1996
ISBN
9782890378056

Résumé/Sommaire

Oznael, un soldat Écraseur de l’armée des Fkions, est parachuté à proximité d’un campement des Éclatants avec pour mission d’éliminer les possibles survivants du bombardement du village. Il constate avec surprise que le camp n’est aucunement dévasté et que des adultes au comportement bizarre et des enfants y vivent encore. Il attend la nuit pour incendier les huttes de joncs et abattre ceux qui tenteront d’échapper aux flammes. Au moment où il s’apprête à exécuter sa mission, il est surpris par un jeune enfant, Aoza, qu’il ne peut se résoudre à tuer. Il décide de l’enlever et de retraiter vers la montagne sans avoir accompli son travail.

Programmé pour tuer sans émotion, Oznael comprend qu’il a failli à sa tâche et qu’il risque d’être abattu sans autre forme de procès par les siens. Après avoir songé à éliminer l’enfant, il retourne au village avec Aoza pour tenter de percer le mystère de cette communauté. Pour se faire accepter, il doit cacher la raison de sa présence à Layio où se sont installés les Éclatants pour fuir la guerre qui oppose depuis longtemps les Fkions aux Rebelles. Il découvre que le village est décimé par la maladie et que celle-ci se manifeste d’abord par la perte de la mémoire et un état d’hébétude qui dégénère rapidement en fièvre. Les malades, couverts de plaies, meurent au bout de quelques jours d’agonie. Seuls les enfants, au nombre d’une vingtaine, et une jeune femme enceinte, Kéore, qui s’occupe à la fois de soigner les mourants, de nourrir les amnésiques et d’enterrer les morts, sont épargnés par ce mal mystérieux.

Au contact des enfants et de la culture des Éclatants si différente de la sienne, Oznael développe une empathie à l’égard de cette communauté pacifiste et prend parti pour elle quand il découvre que les Éclatants ont été empoisonnés par une bombe chimique expérimentale mise au point par les Fkions. Il doit cependant gagner la confiance de Kéore qui met en doute sa sincérité et sa sollicitude envers son peuple mais, surtout, il doit se préparer à affronter les Fkions qui veulent l’éliminer et faire disparaître toute trace des effets de l’arme chimique.

Commentaires

Jacques Lazure se situe en marge du milieu québécois de la science-fiction et est, de ce fait, peu reconnu par celui-ci. Pourtant, ses romans pour jeunes possèdent de grandes qualités et lui ont valu plusieurs distinctions. Le Domaine des Sans Yeux, un premier roman original que j’ai beaucoup apprécié, a remporté le prix Québec/Wallonie-Bruxelles en 1993 tandis que Le Rêve couleur d’orange a reçu trois prix.

De prime abord, il est difficile de déterminer si ce roman relève de la science-fiction ou s’il s’agit d’un roman réaliste. L’auteur entretient habilement l’ambiguïté en esquissant un monde qui pourrait être le nôtre car rien dans la physionomie des protagonistes, à peine décrite, ne la distingue du genre humain. Le paysage pourrait être celui de la Terre, quelque part sur le continent africain. En somme, très peu d’indices servent à évoquer l’altérité : la terre de la région est bleue, quelques néologismes – zir, qui désigne une plante aquatique semblable au riz, corbuards, une espèce d’oiseaux noirs qui pondent des œufs très nourrissants, éralliers, une essence d’arbre – utilisés parcimonieusement. C’est pourtant suffisant pour que l’effet de dépaysement opère.

Ce n’est qu’au moment où sont exposées les théories à la base de la religion des trois peuples qui habitent cette terre (les Fkions, les Éclantants et les Rebelles) qu’on peut penser qu’il s’agit d’une autre planète que la Terre. On en est alors à la page 96. Lazure laisse encore planer le doute car si la religion des Éclatants est basée sur le mythe de l’exode de la Terre et du retour à la planète d’origine comme finalité, celle des Fkions enseigne que la Terre a subi il y a longtemps un cataclysme surnommé le Grand Chaos. Peu importe qui a raison : l’évocation du Grand Chaos situe dès lors le récit dans le futur.

Il est clair que, pour l’auteur, l’enjeu de son roman ne se résume pas à cette question mais concerne bien davantage la dénonciation de la guerre, alimentée ici par la religion propre à chaque faction, qui fait des victimes innocentes. La description d’une société du futur qui semble n’avoir conservé du savoir scientifique que ce qui lui permet de faire la guerre avec des moyens relativement modernes n’intéresse pas vraiment Jacques Lazure, mais elle lui permet d’aborder un sujet, la guerre, qui a une portée universelle et qui peut être transposé dans plusieurs régions du globe, aujourd’hui plus que jamais.

Le Rêve couleur d’orange est un récit dur et très émouvant qui aborde aussi, indirectement, la situation des enfants-soldats (c’est le cas des soldats fkions comme Oznael), une autre réalité malheureusement très actuelle. L’auteur met en cause la responsabilité des adultes dans ce détournement de l’enfance. En mettant Oznael en contact avec des enfants dont il admire le dévouement, le courage et la discipline dans les tâches qu’ils accomplissent pour soigner les adultes et faire manger les amnésiques, il montre comment son éducation militaire a laminé ses valeurs humanistes.

On sent l’amour de l’auteur pour les enfants et son parti pris pour les Éclatants, un peuple pacifiste et doté d’une riche culture faite de rites et de traditions. Celle-ci nous est révélée par les yeux d’Oznael, issu d’un peuple formé par une culture essentiellement militaire sans âme et sans émotion, qui découvre peu à peu le raffinement du mode de vie des Éclatants axé sur le respect de la vie, l’entraide, la transmission des coutumes et de l’histoire par la poésie. Du coup, on saisit aussi la fragilité de l’héritage consigné sur des morceaux de tissu qui forment les Analectes. Émouvante métaphore de la fragilité de la vie.

À la fin, on peut le dire, il ne restera que Kéore et Oznael, nouveau couple originel prêt à recommencer à zéro, à fonder une nouvelle lignée. C’est pourquoi le bébé de Kéore, qui représente l’ancien monde, le passé, ne peut être que mort-né. Le Rêve couleur d’orange repose sur une intrigue solide et bien menée, qui ne comporte aucun relâchement. Ma seule réserve concerne un épisode important demeuré sans explication : comment Oznael a-t-il réussi à tuer les deux militaires fkions qui le tenaient à leur merci ? Ce silence ou cet oubli de la part de l’auteur est plutôt étrange. Voire inconséquent. Comme une petite note discordante qui ne devrait pas nous faire oublier pour autant la réussite de ce roman. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 121-123.

Références

  • Cadot, Richard, Lurelu, vol. 20, n˚ 2, p. 28.
  • Desroches, Gisèle, Le Devoir, 26/27-04-1997, p. D 4.
  • Moreau, Christine, Voir (Québec), 06/12-03-1997, p. 29.