À propos de cette édition

Éditeur
La Presse
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
La Presse, vol. XIV, n˚ 93
Pagination
5
Lieu
Montréal
Date de parution
22 février 1898

Résumé/Sommaire

La soirée du Mardi Gras bat son plein chez le maire de Sainte-Agathe-des-Monts, Agapit Lafantaisie. Mais l’obèse magistrat arrête la danse peu avant minuit, ne voulant pas que l’on danse « su’ l’mécardi des cendres dans ma maison ». On lui obéit sans trop protester mais on lui réclame des histoires, ce en quoi il excelle. Afin d’illustrer l’interdit qu’il vient de rappeler, Lafantaisie raconte comment, voilà dix ans, par une nuit de tempête semblable à celle-ci, il était allé chercher le curé pour l’amener chez un mourant. En route, sa fringante jument s’arrête, terrorisée : les deux hommes voient alors, au-dessus de la maison d’un nommé Cauchois, une ronde aérienne de danseurs épuisés, épouvantés et rouges, virevoltant autour du diable en personne. Cauchois, un mécréant, avait désobéi à l’interdit du Mercredi des Cendres. La farandole infernale se termine parmi les Roches Rouges du lac Simon où, depuis, les Amérindiens n’osent plus pêcher.

Commentaires

S’il est d’abord saisi par le style relevé des premiers paragraphes, le lecteur se voit ensuite bousculé par la verve de l’auteur. « Comme le fantôme d’une grande fée de carnaval, une tempête échevelée gambadait, ce soir-là, sur la crète (sic) des Laurentides (…) On eût dit la paroisse morte et bien enlinceulée si, par les carreaux opalisés, on n’avait vu la lumière… » À cette prose poétique succède une rafale sonore : « moué j’vous dis qu’i est mênuit et que s’i y en a un vingueux d’bougre qui lève la patte… », « Enwayez, père Lafantaisie ; t’nez, v’nez vous assire icite, cont’le poêle », « Ah ! Vlim de bout d’ciarge ! i’m en vient des souleurs inque d’y penser. »

Le contraste est marqué entre les « apocalyptique », « amphytrion » (sic) ou « apopthegmatiquement » de la narration, et les « smart », « caller les sets », « Never mind the bon Ieu », « la grande slide » ou « full dress en train d’danser » des dialogues [tous les italiques sont dans le texte]. Comme on le voit, il ne s’agit pas d’une lecture facile ; certains mots restent carrément indéchiffrables pour le profane.

Si le conte lui-même s’avère être une variante sans surprise de la danse interdite, son style coloré à souhait recèle des trésors linguistiques, révélant entre autres à quel point les anglicismes du français canadien populaire remontent loin dans le passé. [DS]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 137-138.