À propos de cette édition

Éditeur
Québec-Trek
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
273
Lieu
Québec
Année de parution
1992

Résumé/Sommaire

Mitsva Troi est la cousine de Deanna Troi, la psy-conseillère de L’Enterprise, astronef amiral de la flotte spatiale de la Fédération. Mitsva est non seulement belle, télépathe comme tous les membres de la race bétazoïde et dotée d’un authentique talent musical, elle a aussi été un des plus brillants espoirs de l’Académie de Starfleet. Cependant, elle a dédaigné une carrière dans l’espace pour se consacrer à son art jusqu’au jour où son mari se fait tuer.

Ce meurtre l’affecte profondément mais attire aussi sur elle l’attention du capitaine Picard de L’Enterprise qui la croit responsable de cette mort. Pour se disculper, Mitsva part rencontrer l’homme qu’elle soupçonne d’avoir assassiné son mari afin de camoufler une vieille infraction à la Prime Directive. Cet homme, c’est le docteur Leonard McCoy, qui se morfond sur la planète Serenity depuis la disparition de L’Enterprise 1701-A, deuxième du nom, avec le capitaine James Kirk aux commandes, près de quatre-vingts ans plus tôt, alors que McCoy était débarqué sur une planète inhabitée, Leo Zeta 4.

Interceptée par McCoy lui-même et rattrapée par Picard et L’Enterprise 1701-D, Mitsva parvient à faire reconnaître son innocence. La clé de l’énigme semble se trouver dans le système de Leo Zeta et l’Enterprise met le cap dessus. Cependant, Picard et son équipage comprennent bientôt qu’ils arriveront trop tard pour sauver les mystérieux colons de Leo Zeta 4 de l’attaque d’une faction dissidente de l’Empire Klingon. Ils se résignent donc à tenter le tout pour le tout : renvoyer Mitsva dans le temps pour avertir les colons de Leo Zeta 4. Toutefois, au terme de diverses machinations, Mitsva est renvoyée quatre-vingts années plus tôt et arrive à bord de l’Enterprise 1701-A commandé par le capitaine Kirk.

Kirk et son équipage sont en train d’explorer le système de Leo Zeta quand ils doivent faire face à un vaisseau klingon, supposément égaré. Grâce aux dons télépathiques de Mitsva, ils parviennent à vaincre les Klingons et à mettre la main sur un document faisant état d’une alliance entre Klingons et Romuliens, mais L’Enterprise est obligé de voyager dans le temps et ce sera son équipage qui colonisera Leo Zeta 4. Durant leur établissement sur la planète, Mitsva et Kirk tombent amoureux, et Kirk donne un enfant à notre héroïne.

Ainsi, cinq ans plus tard, quand L’Enterprise 1701-D et un vaisseau klingon arrivent sur les lieux, L’Enterprise 1701-A et le capitaine Kirk sont là pour prêter main-forte au capitaine Picard. Le complot des Klingons est déjoué et L’Enterprise 1701-A remonte dans le temps afin que Kirk et son équipage retrouvent leur époque. Mitsva retourne à l’Académie de Starfleet pour compléter son entraînement et devenir une capitaine d’élite. On lui confiera la direction d’un projet d’exploration de la galaxie d’Andromède qu’elle entreprendra avec son fils à ses côtés et aussi James T. Kirk, revenu du passé pour se joindre à elle…

Commentaires

Si je m’attendais à critiquer un jour un roman de Star Trek dans ces pages… Ce livre fera date, si ce n’est que parce que c’est le premier roman de Star Trek écrit en français au Canada, et peut-être même dans le monde.

Avant d’en terminer la lecture, je me suis demandé pourquoi c’était si rare de trouver un roman de Star Trek qui soit vraiment mauvais. En partie, c’est parce que la moitié de la besogne est déjà faite : l’univers de base est mis en place dans la tête du lecteur depuis longue date, les personnages sont bien connus, au mental comme au physique, et l’attirail technologique a été défini une fois pour toutes. En partie, c’est que tout amateur de la série télévisée et de ses avatars a eu l’occasion de s’entraîner souvent à suspendre son incrédulité à bout de bras afin d’accepter des incohérences logiques et des failles dans l’intrigue qui pourraient engloutir sans peine L’Enterprise 1701-D.

Cela dit, ce roman n’est pas franchement mauvais et il anticipe Star Trek : Generations où James T. Kirk passait le flambeau à Jean-Luc Picard. En fait, il fonctionnerait sans doute mieux au grand écran, où le spectateur n’aurait pas le temps de démonter les mécanismes de l’intrigue, et, avec un peu de travail, on en ferait un scénario plus intéressant que celui qui a été retenu pour Star Trek : Generations.

Toutefois, l’histoire et la narration de Brigitte Labrecque présentent plusieurs défauts. D’abord, il y a les problèmes inhérents à l’univers de Star Trek, dont les personnages et la technologie sont si proches de l’omnipotence qu’une intrigue convenable doit accumuler les obstacles pour les empêcher de triompher et doit miser sur l’aveuglement et la témérité des personnages plus souvent que de raison. Ainsi, la Fédération possède le secret du voyage dans le temps mais ne l’exploite pas afin de ne pas troubler la trame temporelle – sauf lorsque c’est nécessaire pour l’histoire, bien sûr. Et les ennemis de la Fédération ne songent presque jamais à employer les déplacements temporels pour lui nuire… Ainsi, dans ce livre, Kirk et Scotty se jettent dans les mains des Klingons sans motif valable et ce ne sont que les pouvoirs inattendus de Mitsva qui leur permettront de s’en tirer. Cela fait d’ailleurs partie de la glorification incessante de l’héroïne, au détriment de l’intrigue.

Ensuite, il y a les défauts de cohérence « externe » : les événements décrits dans ce roman ne peuvent pas concorder avec les révélations du film Star Trek : Generations. Étant donné la plasticité de l’univers de Star Trek, cela ne gênera pas nécessairement le lecteur averti.

Enfin, il y a les défaillances de l’écriture. La transposition en français du monde de Star Trek n’est pas complète et il reste des scories comme cloaking devices ou landing party. Il y a aussi des faux emplois, comme ce mind melt vulcain au lieu du bon vieux mind meld de Spock ou ces personnages qui sont « exacerbés » au lieu d’être exaspérés – sans parler des inévitables anglicismes.

Du côté de la vraisemblance technologique, le bilan est moins mauvais. La technologie de Star Trek est, dès le départ, un méli-mélo invraisemblable. Certes, cela n’excuse pas certaines erreurs des plus élémentaires. Ainsi, on apprend que L’Enterprise 1701-D mettra quatre jours à se rendre dans le système de Leo Zeta à la vitesse factorielle 7. Or, quand deux jours ont passé et que L’Enterprise accélère à sa vitesse maximale, il lui faudra encore deux jours pour arriver sur place ! (p. 69, 88, 96). Cependant, fait rarissime dans les annales de Star Trek, le système de Leo Zeta correspond à un véritable système stellaire, celui de Dzéta Leonis, dont l’étoile ressemble même à celle que décrit l’auteure. Cette précision dans l’usage des objets astronomiques, qui n’est pas répandue dans la science-fiction canadienne d’expression française, mérite d’être saluée. Malheureusement, l’auteure nous apprend aussi l’existence d’Errants, des trous noirs qui n’avaient « pas la masse critique nécessaire pour empêcher tout rayonnement électromagnétique, mais dont la gravité était néanmoins suffisante pour empêcher les photons de s’échapper ». C’est typique de la physique de Star Trek, où le rayonnement électromagnétique, contrairement à la physique moderne, n’a pas à être composé de photons…

Ce qui est plus sérieux, c’est l’affection de l’auteure pour les péripéties rocambolesques. Pour gagner quelques minutes, le docteur McCoy est prêt à se tuer ou presque afin de se faire télétransporter à bord de L’Enterprise avec Mitsva. Résultat : le temps gagné par la télétransportation d’urgence est vite perdu quand McCoy est réduit à une longue période d’inconscience. Parfois, on se pose des questions sur l’intelligence des Klingons et Romuliens si constamment bafoués par de tels représentants de la Fédération… Et je ne parlerai pas du dénouement extrêmement romanesque qui permet à tous et à toutes de vivre heureux ensemble jusqu’à la fin de leurs jours à bord d’un bel astronef filant dans l’espace.

Finalement, il faut dire que ce roman est typique d’un sous-genre littéraire bien particulier au phénomène de Star Trek. L’héroïne est évidemment une projection de l’auteure dans l’univers de la série. Brigitte Labrecque est prof de violon et amateure de Star Trek. Mitsva est d’abord une cantatrice, mais elle déborde aussi de dons et de qualités : télépathie, esprit d’initiative, beauté physique, courage et abnégation. Et, bien sûr, le capitaine Kirk l’aimera et l’épousera. Tout cela représente d’ailleurs de multiples infractions à la Prime Directive de Paramount : au destin du capitaine Kirk et à l’univers de Star Trek nul ne touchera sans permission.

En fin de compte, Brigitte Labrecque livre un roman où on ne s’ennuie pas, à condition de lui pardonner ses fautes et de suspendre son incrédulité bien loin de sa faculté critique. [JLT]

  • Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 100-103.