À propos de cette édition

Éditeur
Médiaspaul
Titre et numéro de la série
Neubourg et Granverger
Titre et numéro de la collection
Jeunesse-pop - 121
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Concerto pour six voix
Pagination
57-82
Lieu
Montréal
Année de parution
1997
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Isaac Vignal est en vacances chez des parents de Granverger. Muet, il possède cependant le don de visualiser les pensées des autres. Un soir, en compagnie de sa cousine Madeleine, il surprend Rachel Davard, la fille du baron, et deux des filles du meunier Naud en train de se baigner dans la rivière. Rachel demandera à Madeleine de ne rien dire, mais cette dernière en parlera à son cousin Jérôme, en exagérant un peu, et ce dernier racontera la scène à Nathan, son frère, y ajoutant encore un peu, et Nathan, à son tour… Muet, Isaac ne peut arrêter l’escalade, et c’est avec fascination qu’il voit la scène s’étoffer de tête en tête jusqu’à ce que sa mère raconte à la femme d’un lieutenant de Neubourg que la moitié des femmes de Granverger, la nuit, dansent nues autour d’un feu près de la rivière en chantant des incantations.

Autres parutions

Commentaires

Sur une thématique imposée – la communication –, Daniel Sernine propose une incursion dans son vaste cycle de Neubourg et Granverger, situé dans une Nouvelle-France où sorcellerie et magie noire sont à l’honneur.

Pour ceux qui n’auraient pas lu cette série aux nombreux personnages, l’auteur présente en quelques pages les principaux éléments permettant de s’y retrouver. Par ailleurs, Isaac, le jeune garçon muet possédant le don de visualisation, s’avère une véritable trouvaille car il permet à Sernine de montrer avec une redoutable efficacité comment se propage la réaction en chaîne d’une rumeur et jusqu’à quelles aberrations elle peut conduire.

En lisant « Rumeurs », on pense automatiquement au sort des « sorcières » de Salem – ce triste épisode de la Nouvelle-Angleterre est d’ailleurs contemporain des événements relatés dans la nouvelle –, mais aussi aux milliers de personnes qui, au fil des âges, ont été stigmatisées par ce travers humain consistant, pour certains, à pervertir subrepticement la réalité afin de servir leurs propres ambitions, afin de nuire à autrui ou d’assurer le triomphe d’une idéologie particulière.

Pourtant, dans le cas qui nous préoccupe, cette altération du message reçu par rapport au message envoyé se fait inconsciemment, nous dit Isaac, témoin privilégié qui « voit » littéralement évoluer la réalité de départ – trois jeunes filles se baignant sans malice la nuit venue – en une scène sulfureuse de sorcellerie impliquant la moitié des femmes du village.

C’est en montrant toute cette mécanique par les yeux du narrateur que la nouvelle acquiert sa force et sa pertinence, car malgré la bonne volonté de tous, il y a altération, il y a « rumeur », c’est-à-dire énonciation d’une vérité qui n’est plus « exacte ». Et le jeune Isaac comprend alors qu’il est le seul à avoir une « … façon limpide de communiquer, bien plus claire et exacte que la parole qui lui manquait. Mais à quoi bon, s’il était le seul à connaître ce langage ? » (p. 77)

Un très beau texte sur les conséquences de l’imperfection incontournable de la communication humaine. [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 164-165.