À propos de cette édition

Éditeur
Variétés
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
L'Héritage et autres contes
Pagination
115-134
Lieu
Montréal
Année de parution
1946

Résumé/Sommaire

Bernier, un bourlingueur sans attaches, arrive à l’île de Vavaou à bord de la goélette du capitaine Toupaha. Il y fait la rencontre de Lémann, un Européen établi là depuis plusieurs années avec sa vahiné, Itiarii. Au cours de la soirée, le visiteur remarque une sculpture indigène, un tiki, que Lémann a trouvée il y a cinq ans sur un autel abandonné dans une île voisine. Les indigènes croient que ces reliques de l’ancienne religion locale sont sacrées et que les toucher donne la lèpre. Le guide local de Lémann est atteint de la lèpre un an plus tard mais l’Européen se moque des croyances indigènes. Les symptômes peuvent toutefois se manifester bien des années plus tard…

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Commentaires

Oubliez la littérature du terroir, oubliez Trente arpents. Par ce recueil de neuf nouvelles intitulé L’Héritage et autres contes, Ringuet sort du Québec, parcourt le monde.
Dans « Le Sacrilège », il nous transporte à Tahiti où son écriture somptueuse se révèle à la hauteur de l’exotisme des lieux. Il nous fait voir la luxuriance de la nature, sentir la langueur du mode de vie des indigènes et apprécier l’existence en retrait de la fébrilité et de l’agitation du monde moderne.
Il y a un effet miroir assez fascinant dans « Le Sacrilège » qui renvoie le lecteur de l’époque à ses propres croyances qu’il s’efforce d’enfouir sous le tapis de la rationalité. D’une certaine façon, Ringuet propose une version exotique des superstitions qui survivent dans la société québécoise au XIXesiècle jusque dans la première moitié du XXe. Au fond, les contemporains de Ringuet ne pas très différents des aborigènes de l’île de Vavaou.
Si Hopai, le guide qui a aidé Lémann à transporter l’idole sacrée, est victime de la lèpre moins d’un an plus tard, l’Européen, imperméable aux superstitions, ne montre aucun symptôme de la maladie. Il en veut pour preuve l’absence de taches pâles sur sa peau. Quand il veut en fournir une deuxième preuve en éteignant son cigare sur son bras, il ne ressent aucune douleur. Or cette forme d’anesthésie locale annonce la lèpre.
C’est donc ce dénouement accréditant le caractère maléfique de l’idole à l’endroit de ceux qui ne la respectent pas qui fait basculer la nouvelle dans le fantastique. De façon assez subtile, la nouvelle remet en cause le sentiment de supériorité des Européens et des Blancs qui tournent en dérision les superstitions locales et ne croient pas au surnaturel. Lémann est puni pour avoir transgressé un interdit. 
Pour le lecteur d’aujourd’hui, ce sont les effets du colonialisme présents partout dans le texte qui frappent l’esprit. Cela est particulièrement visible dans les rapports de l’homme blanc avec les femmes indigènes, les vahinés qu’on associe spontanément au peintre Paul Gauguin. Itiarii, quoique princesse et nièce de la dernière reine de Vavaou, n’échappe pas à sa condition.
Une nouvelle à découvrir pour la qualité de son écriture et pour la réflexion qu’elle propose sur nos préjugés et nos a priori. [CJ]                                                                                                       

Références

  • Dorion, Gilles, Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec III, p. 452-454.