À propos de cette édition

Éditeur
Fleuve Noir
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Paru dans
Escales sur l'horizon
Pagination
387-469
Lieu
Paris
Année de parution
1998
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Erna Feuchtwanger fait partie de l’équipage du Finisterrae, mais elle vit avec un pied dans le présent et un pied dans le passé, soit le xxe siècle terrestre. La vieille Terre est loin derrière eux tous, mais ils gardent un peu contact en se plongeant périodiquement dans un monde virtuel qui reprend des pans d’histoire. Ce projet est menacé un jour où, après avoir recueilli des extraterrestres, les occupants du vaisseau se trouvent plongés bien malgré eux dans une guerre qui n’est pas la leur et qui oppose leurs hôtes Sagashi aux Suprémates. Erna accepte que le projet, plutôt que d’être interrompu, soit détourné vers l’approfondissement des connaissances astronomiques.

C’est ainsi que, dans ce monde virtuel en sursis, elle modifie le cours de l’histoire de l’étudiant en astronomie Steve Patten en le sauvant d’un suicide et se lie d’amitié avec celui-ci. Elle lui soumet des problèmes scientifiques en les inscrivant dans des scénarios de… réalité virtuelle. Toutefois, pendant ce temps, dans le monde réel, l’affrontement fait rage. Dans un mouvement de panique face à une catastrophe imminente, c’est le monde virtuel qui est sacrifié.

Commentaires

Cette nouvelle de Jean-Louis Trudel repose sur une structure plutôt aléatoire, et la progression narrative est à l’avenant. Par moments, on se demande bien où cette histoire s’en va. Une chose est certaine, cependant, dans ce récit qui progresse par essais, échecs et reprises, les acteurs ont droit à l’erreur. Les solutions qui apparaissent magiques aux yeux des figures fictives ne sont pas toujours les bonnes dans ce texte, ce qui fait que l’histoire n’a pas l’air convenue ou contrainte. N’étant pas astrophysicienne, je ne peux témoigner de la justesse des explications qui sont livrées, mais je puis dire qu’en général elles sont à la fois convaincantes et pas trop envahissantes. Le fait aussi que ces habitants du futur sollicitent l’aide d’un de nos contemporains contribue à la vraisemblance (c’est l’état de notre science !) de l’histoire.

Les personnages ne sont pas tous croqués de manière équivalente, toutefois, et donc ne sont pas tous également crédibles. Si certains, même des personnages tertiaires comme Jenny Brackett, sont campés par quelques traits précis, d’autres sont des fantômes traversant le récit, tel ce Seamus qu’on n’arrive pas trop à cerner. Les extraterrestres eux-mêmes, bien qu’ils soient à l’origine des problèmes rencontrés dans l’histoire, demeurent des personnages de papier sans trop de consistance. Le personnage d’Erna est de loin le plus développé, et c’est de son point de vue qu’une grande partie de l’histoire nous parvient. Pourtant, elle ne poursuit pas de quête définie par rapport à la trame principale, qui touche la survie du vaisseau et de ses occupants. Son véritable parcours narratif se situe par rapport à la trame parallèle se jouant dans le monde virtuel, qui nous parvient à travers le regard de Steve Patten, l’astronome du xxe siècle. C’est pour préserver l’existence de ce monde qu’elle s’engage dans la vie réelle même si, malheureusement, ce sont les aléas de la réalité qui détruisent l’univers virtuel qu’elle a contribué à faire se déployer.

Beaucoup de textes s’intéressant aux mondes virtuels constituent une méditation sur les limites de la réalité, et celui de Trudel n’y manque pas. En campant d’abord un plan qu’il pose comme réel, en y faisant intervenir un plan défini comme virtuel et en faisant s’interpeller ces deux niveaux, l’auteur retourne nos premières impressions sur elles-mêmes. La réalité virtuelle est suscitée et entretenue, mais elle sert aussi à préserver l’existence de ce qui est réel. Toutefois, au sein du monde de Steve Patten, ce qui était reconnu comme réel auparavant est décrit comme appartenant au domaine du virtuel. Clio, l’entité artificielle qui règne sur le vaisseau, lorsqu’elle y est contrainte pour assurer la survie des passagers, sacrifie ces pans de sa mémoire aussi facilement que Steve Patten qui n’hésite pas à soumettre des solutions audacieuses et potentiellement dangereuses à ceux qu’il ne perçoit pas comme réels.

« Scorpion dans le cercle du temps » constitue donc une nouvelle plutôt habile qui nous distrait dans la bonne vieille tradition du space opera, mais qui le fait d’une manière intelligente avec des solutions qui ne sont pas seulement des pirouettes scientifiques et de façon à susciter la réflexion. [SBé]

  • Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 169-171.

Prix et mentions

Prix Boréal 1999 (Meilleure nouvelle)