À propos de cette édition

Résumé/Sommaire
Un sculpteur solitaire sculpte dans la pierre le corps de vieillards décédés qui reprennent vie. Le seul ami de l’artiste, troublé et effrayé par le comportement de ces ressuscités qui pourchassent les vivants, cherche réconfort auprès de celui-ci qui l’ignore, toute son attention étant accaparée par une fillette de trois ans. Le sculpteur se pend après avoir réalisé que son seul ami l’a délaissé.
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Le propos principal du « Sculpteur de morts » est l’amitié. Pour survivre, l’amitié ne doit pas être à sens unique, ce que le sculpteur comprend trop tard. Alors qu’il avait besoin d’être rassuré et peut-être de comprendre sa démarche artistique, le seul ami du sculpteur est abandonné à lui-même.
Il y a quelque chose de paradoxal dans ce petit conte moral. En même temps qu’on applaudit le discours très critique de la petite fille de trois ans sur la société qui « nivelle par le bas », on déplore l’attitude du sculpteur qui tourne le dos à son ami pour accorder son attention à l’enfant. Pourquoi s’intéresse-t-il tout à coup à elle alors qu’il était fasciné par des cadavres de vieillards ? Quand il entreprend de sculpter la fillette en l’imaginant adulte, il sculpte un monstre.
La représentation de l’artiste est ici sombre, voire dévastatrice, ce qui est plutôt rare en littérature. Son travail est stérile et contre-nature car en se servant des morts comme inspiration – ce qui n’est pas en soi répréhensible, loin de là –, il néglige le monde des vivants (et son ami, au premier chef) tout en le cannibalisant par la résurrection de vieillards qui se révèlent asociaux et menaçants. Voilà bien le récit d’un échec artistique, d’une vie sacrifiée à l’art pour les mauvaises raisons. L’amitié du narrateur n’était-elle pas plus précieuse que la réalisation artistique ?
Le lecteur que je suis ne peut se départir d’une impression d’ambiguïté et de mystère qui persiste dans ce conte, à l’image de ceux de Roch Carrier dans Jolis Deuils. [CJ]
- Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 230-231.