À propos de cette édition

Éditeur
Paulines
Titre et numéro de la collection
Jeunesse-pop - 93
Genre
Fantasy
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
163
Lieu
Montréal
Année de parution
1994
ISBN
9782894202234
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Nestorien et ses compagnons étant parvenus à retrouver le royaume des sylvaneaux afin de ramener la jeune sylvanelle Diarmuid parmi les siens, celle-ci est accueillie avec tous les honneurs par les sylvaneaux. Par ailleurs, si Nestorien et ses compagnons sont d’abord reçus en invités de marque, ils sont vite enrôlés de force dans la soldatesque humaine au service des « Maîtres », comme les sylvaneaux sont appelés par leurs serviteurs humains. Pendant ce temps, l’impétueuse princesse Melsi, une fillette qui a faussé compagnie à ses gardiens, amorce avec Fafaro, l’amoureuse de Nestorien, une longue marche le long de la côte pour retrouver leurs amis et entamer le voyage de retour dans le royaume de Contremont.

Cependant, une fois le plaisir des retrouvailles estompé, Diarmuid se souvient avec affection et nostalgie de Melsi et de ses autres compagnons de voyage. Pendant ce temps, le but de l’entraînement sous la menace de Nestorien et de son escorte se révèle : la forteresse des sylvaneaux redoute un assaut imminent. De leur côté, Melsi et Fafaro font la rencontre d’un étrange personnage, Magot l’Extra, si gros et si courtaud qu’il doit se déplacer à quatre pattes. Celui-ci leur explique qu’il était élevé dans l’opulence par les sylvaneaux afin d’aboutir un jour sur leurs tables sous forme de gigots et de rôtis. Il n’a échappé à son sort que parce que les sylvaneaux ont mystérieusement disparu du château où il a grandi.

Le mystère de la disparition des sylvaneaux commence à s’éclaircir lorsque Melsi et Fafaro croisent la route des Paladins de la Liberté, des sylvaneaux qui prêchent le départ sans retour de leurs semblables, qui doivent abandonner le monde des humains mortels pour un autre monde. Ces Paladins ont assemblé une armée humaine pour forcer les derniers sylvaneaux récalcitrants à les écouter. Ces sylvaneaux réfractaires occupent justement le château dont les seigneurs ont accueilli Diarmuid et retenu Nestorien parmi leurs soldats. La veille de l’assaut, Melsi et Diarmuid parviennent à communiquer en rêve, ce qui apprend à Diarmuid que son amie se trouve dans l’armée ennemie et que les intentions des Paladins ne sont pas mauvaises.

Il faudra la collaboration de tous, et le sacrifice héroïque d’un soldat de l’escorte de Nestorien, pour empêcher un massacre. Diarmuid s’interpose à la dernière seconde, obligeant les seigneurs du château à entendre les Paladins et à se laisser convaincre de quitter la terre des mortels.

Commentaires

Comme toujours chez Joël Champetier, la narration est efficace, sans temps mort ni longueur. Les personnages sont bien campés, malgré une surabondance qui confine à l’encombrement, et les seconds couteaux se démarquent particulièrement. Les révélations successives – de la duplicité des sylvaneaux, de leur peu de compassion pour les humains, de la guerre qui se prépare – entretiennent le suspense jusqu’au bout. Quant au dénouement, il est amené dans les règles de l’art par les actions des principaux protagonistes : Nestorien, Fafaro, Melsi et Diarmuid. Le seul point faible du roman, c’est sans doute de compter un si grand nombre de personnages que l’intérêt du lecteur se disperse, mais il n’en fallait sans doute pas moins pour conclure adéquatement une histoire complexe préparée par les trois volumes précédents.

Le secret des sylvaneaux annoncé par le titre est double. D’une part, ils sont anthropophages : ils élèvent des humains pour s’en nourrir. D’autre part, ils sont appelés à quitter le monde des humains pour vivre en Lirevyë, un monde auquel ils sont seuls à pouvoir accéder. Cette possibilité entraîne un bouleversement de la société édifiée par les sylvaneaux au nord de la mer Géante. Dans le meilleur des cas, la révolution se traduit par l’abandon volontaire des grands châteaux et des nombreux serviteurs humains, désormais contraints de faire l’apprentissage de la liberté. Dans le cas qui préoccupe les personnages du roman, elle conduit à un affrontement entre l’armée des Paladins et les forces des sylvaneaux attachés au statu quo.

Les sylvaneaux de Champetier constituent une variante personnelle des elfes tels qu’ils ont été popularisés par Tolkien. Ils sont aristocratiques, cultivés, des guerriers d’une agilité et d’une rapidité surhumaines, quasi immortels et dotés de pouvoirs surnaturels tels que la télépathie et le don de se transporter dans un autre monde. Un épisode du siège du château par l’armée des Paladins rappellera peut-être aux lecteurs d’aujourd’hui les prouesses de Legolas au Gouffre de Helm telles que Peter Jackson les a représentées dans le film The Two Towers, quelques années plus tard.

Champetier s’éloigne toutefois de Tolkien en faisant de certains sylvaneaux des consommateurs de chair humaine. Il suggère sans le dire tout à fait que c’est une conséquence pas si déraisonnable du fait que les humains et les sylvaneaux ne sont pas de la même espèce, plus différents peut-être que les humains le sont des chimpanzés qui sont chassés et mangés en Afrique. En même temps, cette anthropophagie est un signe de la déchéance morale des sylvaneaux et la preuve qu’il est temps pour eux de trouver leur place ailleurs.

Même si Champetier a enrichi plus tard cette série d’un antépisode (Le Prince Japier), Le Secret des sylvaneaux boucle l’histoire commencée dans La Requête de Barrad et l’anthropophagie des sylvaneaux rappelle la consommation par Barrad de dépouilles humaines (ou de sylvaneaux) dans les deux premiers livres. Le thème de la disparition des magies anciennes au profit d’une humanité élue par la Providence, qui domine chez Tolkien, cède le pas dans cette série à une démonstration de l’impossibilité de la coexistence d’espèces différentes et donc de la nécessité de la séparation.

Une analyse différente du roman assimilerait peut-être ces sylvaneaux quasi immortels qui se repaissent de chair humaine à des morts-vivants, ou plus précisément à des zombies. Après tout, ils ont la peau blanche des morts exsangues et ils sont capables de quitter, comme les morts, ce bas monde. Comme l’ogre (ou agg) Barrad, ils symboliseraient alors la peur de la mort qu’il est normal de tenter d’apprivoiser dans un roman jeunesse.

Quoi qu’il en soit, le cycle de Champetier figure parmi les meilleures séries de fantasy de son époque, non pas tant par son ampleur ou son ambition narrative que par son approfondissement et sa subversion des thématiques introduites par Tolkien. [JLT]

  • Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 44-46.

Prix et mentions

Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois 1995

Références

  • Anctil, Mélissa, imagine… 71, p. 135.
  • Martel, Julie, Solaris 110, p. 43.
  • Martin, Christian, Temps Tôt 32, p. 42.
  • Meynard, Yves, Lurelu, vol. 17, n˚ 2, p. 15.