À propos de cette édition

Éditeur
Pierre Tisseyre
Titre et numéro de la collection
Conquêtes - 81
Genre
Fantasy
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
263
Lieu
Saint-Laurent
Année de parution
2000
ISBN
9782890517851
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Début des Temps : le Grand Vide est remplacé par un univers de glace où s’allume un puissant brasier. Du combat entre les deux éléments naît un géant de glace, père de tous les géants. Au même moment, une autre créature apparaît. Elle est de forme humaine et est issue du brouillard. Elle s’accouple avec une des filles du vieux géant. Cette union produit trois dieux : Odin, Hoener et Loki. Mais le géant de glace est autoritaire. Les trois l’assassinent de façon brutale et sanglante et prennent sa place.

Dans le ciel, les dieux construisent une forteresse colossale du nom d’Asgard. Mais une sombre prophétie mine leur tranquillité : un jour, ils seront punis pour leur crime. Traqués par la peur, les dieux changent, certains pour le meilleur, d’autres pour le pire.

Ainsi, c’est la cruauté de Loki qui sert de déclencheur au triste destin du valeureux Siegfried. Par la faute du dieu, une famille de trolls s’affronte pour un fabuleux trésor en or et un anneau magique pouvant en produire à volonté. La dispute s’envenime et se conclut par la mort du père. Vainqueur, le fils aîné se transforme en dragon afin de mieux protéger son or. Le cadet n’a pas le choix de s’enfuir. Il gagne le Danemark.

Là, il devient le forgeron d’un puissant roi. Son jeune apprenti s’appelle Siegfried. Le garçon semble d’origine roturière mais, en réalité, son sang est noble : la reine est sa mère. La vérité découverte, Siegfried venge son père tué par le roi et part avec le troll à la recherche de l’or du dragon.

Par la ruse, Siegfried vainc le dragon, s’empare du trésor et tue le troll qui s’apprêtait à le trahir. Un voyage amène le guerrier jusqu’à l’île de glace où il tombe amoureux de Brünhild, la walkyrie. Mais les dieux ont décidé que Siegfried a un destin à accomplir. Un puissant tourbillon s’empare de lui et de sa monture et l’éloigne de sa bien-aimée.

Grâce à sa fortune, le guerrier réunit une grande armée. Son courage et son audace lui font multiplier les conquêtes. Au pays des Burgondes, il rencontre une princesse dénommée Kriemhild. La jeune femme ensorcelle Siegfried à l’aide d’un filtre d’amour. Le souvenir de Brünhild disparaît de son esprit.

Par un malheureux concours de circonstances, c’est le roi Gunther, frère de Kriemhild, qui épouse la walkyrie. Incapable de comprendre le comportement de Siegfried, Brünhild se sent trahie. Sa vengeance entraînera la mort de Siegfried mais les deux amants seront réunis dans la mort.

Commentaires

Dans son avant-propos, Daniel Mativat situe son projet : rendre accessible à un jeune lectorat, passionné de jeux vidéo et d’ordinateurs, un grand classique des littératures scandinave et germanique. Pour atteindre son but, l’écrivain s’est autorisé certaines modifications sur le texte original, simplifiant la trame narrative et éliminant les descriptions trop longues. Entreprise périlleuse mais, ici, couronnée de succès car l’auteur a su conserver l’essentiel de la saga : une légende grandiose où Ciel et Terre s’embrasent au contact de la folie guerrière des dieux et des hommes.

Bien sûr, le jeune lecteur sera d’abord attiré par les créatures fantastiques (dragon, trolls, walkyrie) qui peuplent ce récit ancien. La mise en scène épique et la présence d’un héros plus grand que nature lui donneront sans doute l’impression de se trouver en terrain familier : une bonne histoire de chevalerie. Mais Siegfried a plus à offrir et déborde largement du cadre traditionnel offert par les romans de fantasy.

Partant de la genèse de l’univers pour se terminer par sa destruction finale, la saga nous révèle que, créé dans le sang, le monde doit s’achever dans le sang. La fatalité crée le mouvement et impose une trajectoire dont la mort constitue l’ultime conclusion : « Ainsi tout périt comme toujours, la joie s’achève dans la tristesse. » (p. 253). Il ne peut en être autrement car le geste fondateur de l’Histoire, autant chez les dieux que chez les hommes, est le meurtre du père. Ce qui est révélé ici, c’est bien entendu la mécanique œdipienne, l’éclatement du désir qui s’affiche dans la quête du pouvoir (le roi, figure paternelle) et celle d’un trésor fabuleux (l’anneau, la reine, symbolique maternelle).

Plus encore, c’est la conscience aiguë de la mort en tant que blessure narcissique qui est implicite au mythe. Le meurtre œdipien détruit l’éternité (l’immortalité) et installe la répétition, perversion du Temps. D’où l’épopée, détournement grandiose du sens qui s’effrite, récupérée dans un combat fabuleux où le fils assassin renaît sous les traits du héros légendaire. Même la mort n’échappe pas à ce glissement de sens : « Alors, il n’y eut plus rien. Rien que quelques âmes perdues, parmi celles-ci, ayant échappé à l’anéantissement, il y avait celles de Siegfried, de la belle Brünhild, unies à jamais jusqu’à la fin des temps. » (p. 254).

Mais la vraie question à poser à propos du roman de Daniel Mativat est la suivante : dans le monde frileux de la littérature jeunesse où la rectitude politique est de mise, comment réagir à un récit sanglant exaltant essentiellement des valeurs guerrières ? La force brutale de Siegfried constitue-t-elle un miroir acceptable pour un jeune lecteur en quête de modèles ? Il ne faudrait pas enfermer cette saga dans le cadre étroit d’une lecture pédagogique. Livre essentiel, Siegfried offre une image fascinante et troublante de la nature humaine. Sa lecture dévoile en filigrane les grands moteurs de l’Histoire : rivalités, guerres, soif du pouvoir et de l’argent. Que son héros souffre et meure l’oppose précisément à l’univers des jeux informatiques où les munitions sont inépuisables et les morts, froidement comptabilisés au gré d’un parcours compétitif. [ML]

  • Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 117-118.

Références

  • Desroches, Gisèle, Le Devoir, 07/08-04-2001, p. D 12.
  • Doré, Jean, Lurelu, vol. 24, n˚ 1, p. 36.